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« Whether you're a brother or whether you're a mother
You're stayin' alive, stayin' alive
Feel the city breakin' and everybody shakin' »

Je fredonne sur la musique qui résonne dans la boutique déserte. Les pochettes des vinyles glissent sous mes doigts.
Je sais que je ne vais pas en acheter, mais j'aime l'atmosphère que dégage cet endroit. C'est paisible et personne – à part le vendeur – n'est là.

J'aime bien la solitude.
Ma bulle.
Mon monde.

Je replace mon casque sur mes oreilles. Je me sens en sécurité avec la musique. Personne ne peut venir détruire ce qu'elle construit pour moi.
Le vinyle qui gravite sur le tourne-disque me rappelle les roues du van. Puisque je fais le voyage avec Sacha, j'ai tout le plaisir d'observer le véhicule qui roule devant nous.
Je ne sais pas vraiment pourquoi j'ai accepté de venir avec eux. Ma chambre est l'endroit le plus réconfortant que je connaisse et je n'aime pas trop sortir même si j'aime observer. À vrai dire, les gens ne me remarquent pas tout de suite ou m'oublie très vite.
Je m'efface.

J'analyse ce qu'il se passe autour de moi et comprend avec facilité. Mais je suis incapable de me comprendre. On ne peut pas être bon partout.
Je ne parle pas. De mes questions. De mes insécurités. De moi. Je ne parle pas.

Mon frère ne comprend pas. Je ne lui en veux pas.
J'essaie de parler avec Sofyan quand trop de choses me viennent en tête. Il se protège en restant flou sur sa vie et sur ses émotions. Je l'admire et il me comprend.

Contrairement à ce que l'on peut penser, j'adore voyager avec Sacha. Elle est rayonnante pour nous deux. En fait elle est assez rayonnante pour illuminer tout le monde. Elle met toujours de la musique et ne m'oblige pas à lui faire la discussion. Elle comprend que le silence peut être plus fort que les mots.

Je pense que je suis venue en grande partie parce que Peter m'y a autorisé. Il est toujours en train de nous faire la leçon mais en réalité ils nous protègent. Peut-être un peu trop. À chaque fois que je fais une connerie – de la plus insignifiante à la plus dangereuse – il est là. Même si je tuais quelqu'un, il resterait avec moi. Il n'abandonne jamais.

J'essaie de rester le plus possible avec eux. Parce qu'on fait ce voyage ensemble mais aussi parce qu'inconsciemment je ne veux pas qu'ils m'oublient.
J'aime la solitude. Mais je l'aime encore plus quand ils sont à côtés.

Je sors de la boutique et me promène dans les rues bondées.
Il y a trop de monde.
Je tourne dans une petite ruelle – qui, je le sais m'emmène au jardin public.
Les grandes habitations me cachent du soleil brûlant. J'entends mes pas résonner dans le silence de la rue alors que ma musique se change. Je tape dans un caillou avec ma basket et la pierre roule jusqu'à une poubelle échouée.

J'aperçois derrière cette dernière, une petite boule de poil noire. Ses oreilles blanches contrastent avec l'obscurité de son pelage. Son petit museau rosé se fronce en me voyant et ses fines moustaches se tendent.
Je m'arrête à son niveau.
Ses yeux d'un bleu clair – presque gris – me fixent. Je penche ma tête sur le côté, intriguée par la présence de ce chat dans cette rue.
Je m'accroupis lentement et tend doucement ma main vers l'animal apeuré. Le félin se recule en miaulant. Il tremble et je ne bouge pas.
Ma main reste immobile et j'attends.

J'attends.

Je décide de poser mon bras sur mon genou plié et j'attends.

J'attends.

Je regarde le ciel en plissant les yeux et une chose douce me caresse le bout des doigts. Je baisse ma tête pour voir la petite boule de poil se frotter à ma main. Je décide de lui gratter la tête affectueusement et il ronronne sous mes doigts.

What if we leaveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant