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« Quand les bars ferment, que les marins rejoignent leur bord
Moi je rêve encore jusqu'au matin debout sur le port
Emmenez-moi au bout de la terre »

- Em-me-nez-moiii au pays des merveilles ! Il me semble que la misère ! Serait moins pénible au soleiiiiil !

Je ricane doucement face à Paul hurlant à pleins poumons sur les paroles de Charles Aznavour. L'ambiance dans le van est différente de la première fois qu'on y a mis les pieds. Camille et moi toujours sur la banquette arrière observons paisiblement l'océan à travers les vitres.

On est parti de Royan aux aurores quand Sofyan a reçu son autorisation de sortie. Les médecins ont affirmé qu'il n'avait rien de grave et qu'il pouvait reprendre la route en faisant attention.

On file droit vers Bordeaux en espérant arriver avant le déjeuner. Ce soir on est censé sortir les tentes et dormir à la belle étoile. Camille avait l'air d'apprécier l'idée sur le coup. Mais je la connais trop pour savoir qu'elle va finir par me demander si on peut dormir dans le van.

En parlant d'elle, son téléphone sonne et elle décroche. Au ton employé je comprends qu'elle parle à sa mère. Elles discutent toutes les deux un moment pendant lequel le van est devenu plus calme.
Une moto noire nous dépasse par la gauche. Sofyan nous a affirmé qu'il était en forme pour reprendre la route seul. On l'a cru.
Camille termine son appel et la musique change à ce moment.

- Donc vos parents ont accepté que vous partiez comme ça alors que vous n'avez pas le permis ?

Peter nous pose la question en nous lançant un regard dans le rétroviseur.

- On est majeur, on fait ce qu'on veut.

Camille et sa bonne humeur...
Peter lui lance un regard et je lève les yeux au ciel.

- Je sais que vous êtes majeurs, reprend-il, mais ça reste vos parents.
- Parfois on se demande... ajoute mon amie
- On va dire que j'ai dû convaincre les miens avec pas mal d'arguments et que ceux de Camille bah... sont restés ceux de Cam.

Peter hoche doucement la tête.
C'est bête, mais j'ai toujours culpabilisé d'avoir une famille unie. J'ai eu une belle enfance. Je m'entends très bien avec ma petite sœur, ma mère est ma confidente et mon père est mon exemple. Donc quand tu rencontres des gens avec qui c'est difficile, tu ne sais pas comment réagir. Des choses qui pour toi ne sont pas normales le sont pour eux et inversement.

J'ai jamais eu de gros problèmes, ni avec eux, ni avec qui que soit à vrai dire.
Par contre ce qui est d'avoir des problèmes avec moi-même. Là, c'est tout de suite plus compliqué.
Donc le fait que ce soit difficile avec la famille de Camille me donne encore plus envie de lui faire comprendre qu'il y a deux types de relation.

La famille de sang et la famille de cœur.

Je veux qu'elle puisse compter sur moi et ce dire que je ne l'abandonnerai pas comme certaines personnes ont pu faire.
Je sors de mes pensées quand Paul commence à s'agiter sur son siège comme un enfant.

- Arrête-toi ! Hurle-t-il. Y a une fête foraine !

Le conducteur sursaute et on sourit face à l'enthousiasme du brun. Il attrape le bras de Peter qui râle.

- S'il te plaît Pet' !
- Putain Paul, lâche-moi. Tu vas nous faire avoir un accident.

Paul relâche son meilleur ami et se tourne vers la vitre. Il pose ses deux mains dessus et y colle son front. Mais quel gamin...

What if we leaveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant