CHAPITRE I : Un fantôme

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Je me tenais face au miroir, vérifiant une dernière fois ma silhouette, remettant une mèche folle ici et là. Je n'avais jamais vraiment su comment coiffer mes cheveux, complètement indomptables la plupart du temps. Cette longue cascade de boucles rousses était ma marque de fabrique, me permettant de me distinguer des autres sans trop d'effort. J'observais attentivement mon visage orné de tâches de rousseurs. Le temps n'avait aucun effet visible sur mes traits, encore aussi fins et délicats que ceux d'une enfant. J'effectuais un ultime réajustement sur ma longue et voluptueuse robe noire lorsque j'entendis frapper à la porte. 

Madeleine, il faut y aller. Tu es prête ?, me demanda Jimmy, en entrebâillant la petite porte.

- J'arrive tout de suite., lui confirmais-je. 

Avant d'ouvrir la porte, je pris une dernière grande inspiration croyant encore, presque naïvement, que cela chasserait la boule qui terrassait mon estomac depuis des heures. J'ai le trac, merde, merde, merde ! Combien de fois devrais-je lui répéter que je n'ai jamais eu des dons oratoires très développés et encore moins devant un public ? Je fais partie de ces créatures de l'ombre qui n'apprécient guère être sous le feu des projecteurs, préférant la quiétude de l'anonymat. 

Adossé au mur, Jimmy m'attendait patiemment, lisant notre feuille de route de la journée.

- Comment te sens-tu ? , m'interrogea-t-il, sans lever les yeux de la précieuse feuille. 

- A ton avis ? , aboyais-je. Je suis anxieuse, comme toujours ! J'ai horreur de ce genre d'évènements, tu le sais très bien. 

-  Ca fait presque dix ans maintenant que tu es dans le métier, tu as déjà fait cela des centaines de fois auparavant. Puis, renchérit-il, c'est en petit comité. On m'a communiqué environ une cinquantaine de personnes présentes. 

- Nom de Dieu !, soufflais-je désespérée. Tu n'as aucune pitié pour moi Jimmy. 

- Allez viens, on y va., m'intima-t-il. 

La traversée du long corridor me semblait interminable. A chacun de mes pas qui me rapprochait un peu plus de « petit comité », je pouvais entendre mon coeur battre à tout rompre. Il était évident que si je ne réussissais pas à me calmer, je frôlais la crise cardiaque dans très peu de temps. Arrivée devant la porte déjà entrouverte, j'attendis comme un lion en cage, triturant mes doigts, prête à me faire avaler toute crue par la meute enragée qui se trouvait de l'autre coté de mine bout de bois. J'entendis le présentateur commencer son introduction, et également mes tympans pulser dans mes oreilles. 

- Et maintenant, je vous remercie d'applaudir, très chaleureusement, notre invité du jour, Mademoiselle Madeleine Evans, dont le roman reste numéro 1 des ventes depuis près de quatre mois.

Je sursautais à l'annonce de mon identité, restant immobile et pétrifiée par le trac. 

- C'est à toi, Madeleine. Vas-y ! , me souffla Jimmy. 

Ne me laissant aucun choix, il me poussa vers l'entrée. L'angoisse me paralysait entièrement et de façon très mécanique, je mis un pied devant l'autre sans prêter attention à la cinquantaine de paires de yeux qui me dévisageaient. Je saluais courtoisement le présentateur qui m'invita à prendre place sur la chaise qui m'était destinée. J'avais devant moi tout le nécessaire pour affronter l'heure qui suivait, c'est-à-dire une bouteille d'eau gazeuse, une bouteille d'eau plate et un micro. Je levais discrètement les yeux et observais silencieusement les personnes qui se trouvaient devant moi. Deux ou trois journalistes mais pour la plupart des inconnus qui avait acheté mon roman et qui en avaient, visiblement, apprécier le contenu. Depuis la parution de mon roman « Equilatéral », je n'arrivais pas à croire la vague d'engouement qu'il avait suscité. Interviews, plateaux télé, radios, salons littéraires et meet & greet : cela faisait quatre moi que mon agenda ne désemplissait pas et cela n'était pas prêt de s'arrêter.

EquilatéralOù les histoires vivent. Découvrez maintenant