CHAPITRE III : La proposition

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TROIS ANS PLUS TÔT


Je me réveillais en sursaut, transpirante, le goût de mes nuits d'ivresse encore sur les lèvres. Ouvrir les yeux s'avéra compliqué, mettre un pied par terre encore plus. Savez-vous quelle est la définition exacte de se prendre une cuite ? C'est votre bonne conscience qui s'agite au quatre coins de votre petit cerveau étriqué. Plus vous la refoulez, plus elle cogne et votre mal de tête devient insurmontable. Inutile de préciser que ma conscience et moi n'étions pas de très bonnes amies et que nous étions visiblement ancrées, depuis des années, dans un dialogue de sourd.

Je repoussais, d'un geste vif, les couvertures et confrontais mon corps à la température glaciale et matinale de la chambre à coucher. J'étais à moitié nue, la tête lourde et les tempes lancinantes. Je trouvais la force de poser un pied sur le sol et me rendis directement dans la salle de bain. Tout ce dont j'avais besoin était d'une bonne aspirine et non d'être confrontée aussi brutalement à mon reflet pitoyable que je toisais du coin de l'oeil dans le miroir. J'étais loin d'être fière de mes excès de la veille, la bouche pâteuse et les membres engourdis, je me sentais misérable. Je gobais le cachet et avalais mon verre d'eau d'une traite espérant qu'il agisse rapidement. Un bruit lent et répétitif me fit sortir de cet état latent. Je tendis l'oreille une nouvelle fois, persuadée que ce bourdonnement venait simplement de cette migraine épouvantable. Je me dirigeais, de nouveau, vers ma chambre et ouvris les rideaux d'un geste brusque. Lorsque mes yeux s'habituèrent à la lumière, je tirais les draps d'un coup sec et découvrit le corps nu dont j'avais allègrement profité la veille.

- Dégages !, lui ordonnais-je en lui secouant l'épaule. 

Ma conquête d'hier soir, dont j'avais oublié l'existence, ouvrit des yeux exorbités par un réveil si agressif. Il marmonna quelque chose d'incompréhensible avant de replonger sa tête dans l'oreiller. Son corps était athlétique, ses muscles saillants et ses fesses rebondies mais d'une banalité quelconque ce qui me tira une moue perplexe. Il était pas plutôt pas mal mais pas exceptionnel non plus ce qui l'un était l'un des nombreux drames de ma vie. Il m'était bien souvent arrivée de trouver des hommes séduisants mais jamais au point de me laisser pantoise et le souffle coupé. Mes anciennes relations ne se résumaient qu'à deux mots très réducteurs  : fade et monotone. Sans aucune saveur, elles avaient annihilé ce feu ardent et passionné qui me dévorait l'âme sans que jamais personne, jusqu'à présent, n'avait réussi à rallumer. Peut-être qu'après-tout, c'est ce que je recherchais, ne rien ressentir. Hormis quelques coups d'un soir, ma vie amoureuse était, actuellement, réduite à néant. Je me sentais seule dans mon coeur mais, à vrai dire, j'étais beaucoup trop occupée à essayer de me détruire pour m'en apercevoir réellement. 

T'es sourd ou quoi ? Dégages !, lui dis-je jetant ses affaires au visage.

- Mais je ne comprends pas ?, me dit-il hagard.

- Il n'y a rien à comprendre. Tu prends tes affaires et tu te tires., lui lançais-je en me dirigeant vers la cuisine. 

Je lui laissais le temps de retrouver ses esprits et de se rhabiller pendant que je faisais mon café. Je n'étais pas si cruelle, tout de même. Quelques minutes plus tard, il se dirigea vers la porte d'entrée qu'il claqua, sans un mot. Une tasse de café brûlante à la main, je m'installais sur mon petit balcon et contemplais le silence, presque monastique, qu'offrait la capitale. Ce rituel matinal était un petit plaisir personnel qui m'apportait sérénité pour le reste de la journée, ou du moins, la première heure. La tasse vide, je regardais l'horloge de la cuisine qui affichait 6H30. Il me restait encore un peu de temps avant de me rendre au rendez-vous programmé avec Jimmy. Je m'étendis de tout mon long sur mon canapé, étirant mes bras et soupirant d'aise. Je me laissais bercer par le flux continu des informations diffusées à la télévision, le temps que le café et l'aspirine fassent effet. 

EquilatéralOù les histoires vivent. Découvrez maintenant