CHAPITRE X : Pass this on

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Depuis deux semaines, j'avais régulièrement le privilège d'avoir un entretien privé avec Bill Kaulitz et à chaque fois, j'en ressortais complètement ébranlée et exténuée. Lors de nos séances de travail, je puisais toute mon énergie intérieure à rester professionnelle et concentrer sur l'objectif final. Même si j'essayais d'y résister tant bien que mal, je ressentais au plus profond de moi cette attraction presque inévitable qui allait entrainer ma chute. Durant ces quelques heures de confidences et prises de notes, je découvrais une toute autre personne que celle véhiculer par les médias. Bill Kaulitz était un être distingué, délicat, magnanime et inlassablement attachant. La plupart du temps, je l'écoutais parler sans l'interrompre, fascinée tant par l'enfant, que l'adolescent et l'adulte qu'il était devenu. Il se confiait sans filtre, avec autant de pudeur que d'authenticité. Mon travail consistait simplement à sublimer ses paroles en choisissant les mots, les bons mots, les mots justes. 

Lorsque mes journées se terminaient, je rentrais à contre-coeur au loft, espérant pouvoir, un jour, arrêter ou du moins, retarder, le temps que je passais en sa compagnie. Il m'arrivait bien souvent de m'autoriser à prendre un verre ou deux sur l'immense terrasse afin de relâcher la pression. Je contemplais, la ville, le regard perdu dans le vide, avouant à demi-mot mon obsession pour Bill Kaulitz. Ce soir-là, j'accompagnais mon verre de vin par la relecture de mon recueil de nouvelles. Je tournais lentement les pages jusqu'à arriver à celle dont Bill m'avait parlé précédemment. La forteresse que je m'étais construite durant cette période, et qui résistait tant bien que mal au fil du temps, commençait lentement à s'effriter. J'étais littéralement effrayée à cette idée. Une bouffée d'angoisse m'envahit, j'avais besoin de plus d'un verre. Je chaussais les premières bottes qui me tombaient sous la main, pris mes clés et claquais la porte derrière moi. Je contemplais mon accoutrement dans la vitre de l'ascenseur. Un t-shirt loose et un jean taille haute noir délavé, des boots noires militaires, du khol sous les yeux. Aucun doute, soit je ressemblais à une vulgaire prostituée d'Hollywood Boulevard, soit je sortais tout droit d'un clip de Nirvana des 90's. 

Sur le parvis de l'immeuble, je pris la direction de West Hollywood et me dirigeait Kinghills Palace. Les vingt minutes de marche à pieds ne m'ont pas suffi à faire redescendre la tension que je ressentais au creux de mon estomac. Non, il me fallait autre chose. Essoufflée et agitée, je pris place au comptoir du bar principal du Kinghills Palace. Même si mon look grunge ne correspondait pas totalement au style de la maison, cela ne m'empêcha pas de porter le premier verre à mes lèvres. Je faisais descendre d'une traite ce liquide qui brûlait ma gorge et laissais échapper un soupir de satisfaction. Cette scène résumait bien le mal qui me rongeait : Je fuyais éternellement les mêmes démons pour en trouver d'autres. On appelle cela plus communément : l'innovation. 

Après avoir exploré un tiers de la carte, je me sentais rassasiée. Le rouge aux joues, la tête commençait à me tourner. J'entendais déjà les reproches de Jimmy au creux de mon oreille. Comme s'il pouvait savoir ce qu'était le mal profond et la souffrance alors que lui avait tout et n'avait peur de rien. Un voix lointaine me sortit de ma rêverie. 


- Bonsoir Madeleine.

Je me retournais brusquement et me retrouvais nez-à-nez avec Bill Kaulitz. Il était encore une fois vêtu de façon très élégante, une chemise noire, dont le tissu assez basique, brillait subtilement et un pantalon à taille haute à pinces. Son pantalon était si long que je ne parvenais pas à distinguer ses chaussures. Je n'étais pas étonnée de cette rencontre puisque j'avais le sentiment que le destin s'acharnait à nous réunir quoi qu'il arrive. Honteuse face au nombre de verres qui s'entassaient sur le comptoir et qui n'était d'autres que les seuls témoins de mes faiblesses, je préférais jouer la carte de l'agressivité. 

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