Sur le sol tapissé d'asphalte, des ruines traînaient en tas grossiers, comme un souvenir de l'usage ancien de ces routes étroites. Coincé entre l'ombre du bout de l'allée et l'affluence molle d'un lundi gris, le Commerce Park diffusait le parfum tiède de ses éclat jaunis sur la bâtisse d'en face, puis il y avait les vapeurs douceâtre des légumes saisonniers, l'air de rappeler des délices moites, un peu tépides, de cet automne enroué. Un adolescent dépassait d'une démarche ennuyée, peut-être pas très assurée, ces passages de pierres pour s'arrêter à la devanture de la boutique.
Ses cheveux châtains s'envolèrent en découpant son front d'une lueur orangée, égayant sa peau malade, puis ces cernes naissantes qui entachaient le haut de ses joues. Il avait pénétré dans le commerce et ses épaules avachies, couvertes des bretelles de son sac-à-dos et d'un vieux gilet usé, roulèrent dans des frissons glacés. Sur le comptoir, Seonghwa avait troqué ses mots-croisés contre la courtoisie d'Hongjoong, qui, accoudé devant lui, discutait d'affaires et de plaisirs — en fait, l'adolescent n'entendait pas bien leur parloir, trop brouillée dans la mélodie hagard du carillon. Le propriétaire leva la tête et mima un fin sourire, qu'il ne vit pas vraiment dans ses préoccupations brusques, et le bleuet se retourna, curieux, avant de lever une main polie.
« Salut, Yeo', entama Hongjoong en secouant distraitement ses doigts.
— Bonjour. »
Réponse simple, un ton pas assez chaleureux, Yeosang n'était pas de bonne humeur en cet après-midi éteint. Le bleuet se décala vers le bout de la planche pour laisser au lycéen la place de s'étendre, il ne balada que ses phalanges sur le bois patiné de sombre, l'ongle tremblant, et sembla vouloir s'effacer. Seonghwa inspira calmement en échangeant un regard inquiet avec son ami, Hongjoong haussa les épaules en gardant son attention sur la tête baissée de son cadet, puis cette ligne droite, un peu recourbée malgré tout, délayée sur ses lèvres.
« Eh, il se passe un truc ? demanda l'adulte en lui donnant un gentil coup de coude.
— Non, soupira Yeosang. Woo' était pas là, j'me suis dit qu'il avait peut-être séché pour venir ici et comme il avait oublié son sac... j'l'ai pris avec moi. »
Yeosang avait toujours gardé cette allure flegme, l'œil trompeur, une risette écorchée d'une neutralité brusque. Même quand il souriait, ses yeux soulignaient une indifférence limpide, le teint clair qui ne rougissait que s'il ressentait des torrents trop vifs pour les regarder imploser ; il avait appris à faire taire ses sentiments, et ses nerfs brouillés s'usèrent pour le garder passif. Sa sensibilité avait été écorchée, pauvre oiseau aptère, fallait-il dire, mais ses amis le connaissaient ainsi. Alors entendre quelques fonds d'orage dans sa voix, l'air encore électrique de qui chuchotait des râles morts, même au fond des paupières, c'était inhabituel.
Ses traits fatigués s'étaient tordus dans une grimace triste, il sembla déçu.
« Viens, on va se poser dans l'atelier. »
L'atelier, c'était le nom qu'Hongjoong avait donné à sa pièce misérable, où trônait son fidèle fauteuil de tatouage puis tous ce qui lui servait dans son métier clandestin. Seonghwa salua les deux autres en replongeant son menton dans sa paume, ses yeux perdus cherchant les feuilles de mots-croisés qu'il avait laissé traîner là. Le bleuet prit l'épaule de son cadet, qui s'en délia rapidement en accélérant le pas pour tourner vers la cage d'escaliers, ses pas feutrés filtrant les frottements des restes d'air engouffré entre les cartons. Il lui adressa un regard curieux qui ne se perdit que dans le dos du garçon, qui s'était déjà arrêté devant la pièce.
L'étagère habituellement collée au mur se retrouvait à entraver la porte de l'atelier, ses boîtes entassées cachaient la poignet, puis le trait marquant de l'ombre de la salle. Hongjoong s'en approcha vivement et agrippa le rebord d'une planche grise, l'une de ses bagues tinta dans des mélodies métalliques, puis grinçait quand les pieds du meuble raclaient le sol. Les épaules de l'adulte se tiraient en frappant ces irrégularités, puis il râlait quand les objets manquaient de se fracasser sur sa tête. Yeosang observait son ami se défaire des rayons argentés pour battre une lumière apathique sur le battant craqué, s'en éloigner puis sortir un trousseau de clé de sa poche large.
![](https://img.wattpad.com/cover/341480920-288-k885990.jpg)
VOUS LISEZ
𝐇𝐘𝐏𝐄𝐑𝐑𝐄́𝐀𝐋𝐈𝐓𝐄́
Science FictionFauchée par les ruines de l'ouest, une ville s'éleva misérablement quand deux adolescents se heurtèrent à un sombre projet gouvernemental. Des associations secrètes menaient des révolutions interdites face à un pays sombrant peu à peu, elles se terr...