Chapitre 1

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Au loin, un groupe de militaires escortent les habitants vers un fourgon. Maman est avec eux.

- MAMAN, hurlai-je. MAMAN ...

Elle se retourne, elle me voit, elle me fait de grand signe. Je suis derrière la carcasse d'une voiture mais un militaire m'aperçoit.

- Mademoiselle, arrêtez-vous, me dit-il en m'empêchant de traverser. Vous ne pouvez pas rester ici. C'est dangereux.

- Mais c'est ma mère, dis-je en me débâtant.

- Non, cette zone est évacuée, vous devez nous suivre.

J'entends maman hurler mon nom, mais elle aussi, ils l'empêchent d'approcher.

- Non, pas sans elle.

Soudain le bruit sourd d'un avion qui nous survole, nous parvient. Le militaire qui me bloquait le passage, se jette sur moi et me plaque au sol en hurlant :

- BOMBE.

Une explosion retentie... et je me réveille en sueur dans mon lit. Encore et toujours ce cauchemar. Depuis cinq ans, depuis que cette foutue guerre a commencé, je revis toutes les nuits la mort de ma mère.

Le soleil n'est pas encore levé mais je n'ai pas envie de me rendormir. Je ne peux pas non plus me lever. Je fixe le plafond de la petite pièce qui est ma chambre depuis quinze mois, en imaginant ce que je ferais si j'étais libre. Plus personne n'est libre dans ce monde. Je me lève et vient m'assoir devant la toute petite et seule fenêtre que j'ai. Elle donne sur la cour mais à travers les barreaux, je peux voir les montagnes au loin. Je prends un crayon et dessine pour la énième fois le soleil se lever sur les collines. Plus que quatre-vingt-onze jours à tenir et autant de dessins.

Ce matin j'ai rendez-vous avec Clarisse, mon avocate. Je ne devais la voir que dans deux semaines mais elle a avancé le rendez-vous sans me dire pourquoi. Elle m'attend à l'endroit habituel mais elle n'est pas seule : une femme en uniforme l'accompagne.

- Charlie, je suis contente de te voir, me dit Clarisse en me prenant dans ses bras.

C'est peut-être mon avocate, mais c'est aussi mon amie, la seule qu'il me reste. Je lui rends son étreinte sans répondre. La femme en uniforme me tend la main pour se présenter.

- Enchantée, je suis le Colonel Pivot de la sixième infanterie de marine.

Je ne réponds pas, je me contente de m'assoir. Elles m'imitent et le Colonel reprend.

- J'ai beaucoup entendue parler de vous.

- Vraiment ? demandai-je incrédule. Et comment les hautes instances de l'armée ont bien pu entendre parler de moi ?

- Votre parcours d'athlète a impressionné beaucoup de monde, et votre exclusion de la fédération de boxe seulement deux heures après votre entrée, aussi. Je ne sais pas ce qui est le plus triste : votre envie de tout réussir même au point de tout perdre, ou votre tempérament incontrôlable.

- Tous ses compliments me flattent, dis-je avec ironie. Mais pourquoi vous être déplacée jusqu'ici, vous auriez pu m'envoyer une lettre d'admiratrice.

- Votre arrogance est rafraichissante, répond-t-elle au bout de quelques secondes. D'ordinaire, les gens sont intimidés par l'uniforme, mais pas vous. C'est une raison de plus qui me fait penser que vous serez parfaite pour ce projet.

- Ok, on a bien rigolé, rétorquai-je en perdant patience. Mais j'aimerais savoir, comment vous me connaissez et surtout, pourquoi vous êtes là ?

Elle se redresse sur sa chaise et croise les mains devant elle avec un air solennel.

SurvivanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant