24. Aucune importance

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Aspen

Mes bras croisés contre ma poitrine, je marche d'un pas rapide. J'entends des murmures agacés dans mon dos, mon prénom qui sort de ses lèvres comme une supplication, mais je ne laisse rien paraître. La seule chose que je sais faire de mieux : c'est d'être calme pour que la tempête se dévoile par la suite.

Le calme avant la tempête.

Je reste de marbre quand je passe ma main au-dessus du boîtier en digital et que les portes s'ouvrent en grand. La sirène s'entend de plus en plus pressement, de plus en plus fort, de plus en plus proche, mais rien ne m'arrête. Ni Shayn qui n'arrête pas de me dire quelque chose comme : "C'est trop tard, on va se faire chopper."

Au pire, qui s'inquiètera si je suis derrière les barreaux parce que je n'ai été qu'une complice de ce cambriolage à main armée ? Je ne compte pour personne, alors plus rien ne m'arrête. Dès que les portes s'ouvrent, je prend le sac que Shayn portait sur son dos et marche à grande enjambées pour récupérer tout l'argent qui se trouve devant nous.

– Heaven, arrête, c'est terminé. On a plus le temps.

Je ne me retourne pas, je ne le regarde pas. Je laisse seulement les larmes se pointer au coin de mes yeux et dévoile d'une voix enrouée, tremblante en embarquant le plus gros de ce qu'il se trouve devant moi.

– Quand j'avais six ans, je voulais marier mon père. Il était mon idole, pour qui j'aurais pu tout faire. Il m'a sauvé d'une noyade en m'apprenant à nager, il m'a appris à faire du vélo. Il m'a donné tout ce qu'une petite fille voulait, j'étais sa princesse.

– Heaven, chuchote-t-il.

Je ne compte plus les minutes qui passent, Shayn finit par me rejoindre, se tenant près de moi. Essayant de m'arrêter, mais je le repousse en épousant des sanglots. Je suis déterminé à le faire tomber, à faire tomber le peu de chose qui servait à mon père, lui qui se cache derrière cette armure factice. Et Shayn, lui, me regarde comme si j'allais tomber d'une falaise, me laissant plonger six pieds sous terre.

– Et il y a six ans, j'ai compris que je ne comptais plus pour lui. À partir du moment où j'ai remarqué son absence à l'aéroport, j'ai compris que je n'étais plus celle que j'étais dans son cœur.

Je continue à démordre, à ne plus cacher ce que j'ai toujours refoulé. Je dévoile tout ce qui me passe sous la tête, et peu importe si le temps est compté, s'il nous reste plus beaucoup de temps avant qu'on ne vienne nous rattraper. Peu importe si dans une minute, mes mains seront nouées par des menottes dans mon dos. Je n'ai plus rien à perdre. Plus rien.

– J'ai toujours voulu compter, c'en est devenu une obsession. Ma mère était la seule qui me berçais des chansonnettes jusqu'à mon départ pour que je puisse m'endormir, comme une enfant, écorché-je un rire au fond de mes entrailles. Puis ton frère, lui... il a été le seul à m'aimer pour ce que j'étais. Sans se soucier de ce que je faisais dans ce local du lycée. Quand d'autres...

Je finis par dire en me retournant. Il a un mouvement de recul quand il perçoit mes yeux vides, sans aucune émotion. Seules des larmes séchées permettent de finir leur ascension vers mes lèvres.

– Quand d'autres voulaient me détruire, murmuré-je. Je croyais qu'on pouvait être amis.

– On ne pourrait jamais l'être, glisse-t-il en avançant d'un pas.

Je m'approche de lui, me tenant à quelques centimètres de lui, le sac plein de billet dans mes mains, je lui plaque contre son torse et je finis par dire, amèrement :

𝗪𝗢𝗥𝗡 𝗦𝗧𝗢𝗡𝗘 | 𝘁𝗼𝗺𝗲 𝟭Où les histoires vivent. Découvrez maintenant