26. Souvenir envolé

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🖤

Aspen
Six ans plus tôt.

Non, non, non, non, non...

C'est ce que je me répète depuis le début que je suis rentrée dans cette clinique. Parce que j'espérais que ça ne soit pas réel jusqu'au jour où c'est arrivé, où c'est tombé sur la seule personne qui n'est pas stable et qui ne le sera très probablement jamais.

J'ai toujours cru que la vie ne m'avait jamais offert de cadeau. Pourtant, elle a décidé de me le faire quand je ne m'y attendais pas, comme un foutu rêve prémonitoire qui nous hantent quand on ferme les yeux ou quand on les rouvre, le matin. Aujourd'hui, comme tous les autres jours de l'année, je ne me rends compte que c'est un cadeau empoisonné. Parce que ça n'aurait jamais dû arriver.

Pas comme ça... Et encore moins, un jour dans ma vie.

En réalité, le cadeau aurait dû arriver si je m'étais retrouvé avec quelqu'un, si j'avais eu une vie stable, sans emmerde qui pourrait me voir défaillir ou me voir morte. Sans rien de tout ça.

Et le mensonge, c'est que j'étais prête à vivre ça.

– Vous êtes prêtes ?

Non. Mais ai-je vraiment le choix ?

C'est comme si c'était le tournant de ma vie et que d'un moment à un autre : je ne partagerais plus le même souffle hachées ; ni les battements de mon cœur fractionnés ; ni tous mes organes qui ont besoin d'être partagés quand il le faut.

– On va procéder...

En fait, je n'écoute plus.

Habillé en chemise hospitalier, allongée sur cette table d'opération avec je ne sais combien de personnes en blouse blanche et un rideaux bleu devant mon visage, je ne vois rien. 

J'ignore combien de minutes ou si des heures ont passé avant que mon souffle reprennent son aplomb et qu'une femme n'arrive devant moi. Sa main sur mes cheveux transpirant, et son murmure qui m'as été d'une grande aide quand je n'avais plus d'espoir en rien.

– C'est fini, Aspen... tout est fini.

Dans son regard, c'est comme si elle comprenait. Comme si, d'une part ou d'une autre, la soignante avait été la seule à me comprendre. Mais c'est faux... pas vrai ?

Il n'y a que moi pour avoir ça sur ma conscience. Que moi.

– Tout ira bien, maintenant.

Mais non, c'est faux, aussi. Tout n'a été qu'un mensonge, sur toute ma vie.

– Je vous promet, ça ira.

Ne faîtes pas de promesses si vous n'allez pas les tenir. Lui aussi... il m'avait promis qu'il viendrait me voir. Auquel cas, ce n'est pas lui qui est venu me rejoindre dans cette forêt. Mais l'autre, celui dont j'avais peur depuis que je suis rentré dans cette école. Ils ont les mêmes yeux, mais d'une intensité si différente que mon cœur a chaviré vers le plus tenace.

Pendant toute ma vie, j'ai érigé une façon de moi et je me suis dit que peu importe les situations, l'harcèlement, les traces de doigts qui étaient ancrées sur ma peau, les bleus internes qui ne m'avaient jamais quittés, alors je ne pouvais aller au plus mal. Mais à ce moment-là, c'est comme si on était en train de me déchirer un morceau de moi.

Comme si mon cœur se coupait en deux fragments irréparables et que j'étais vide.

Vide de tout.

𝗪𝗢𝗥𝗡 𝗦𝗧𝗢𝗡𝗘 | 𝘁𝗼𝗺𝗲 𝟭Où les histoires vivent. Découvrez maintenant