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𝑻 𝑯 𝑬 𝑶


QUELLE JOURNÉE DE MERDE. 

L'air frais et salement pollué de la ville frappa mon visage à la seconde où je mis le pied dehors. Je fouillai dans les poches de ma veste pour attraper mon paquet de cigarettes et en sortis une.

La cigarette entre mes lèvres, je cherchai furieusement mon briquet. Introuvable.

Fais chier.

J'essayai de me souvenir où je l'avais mis pour la dernière fois, lorsque je me rappelai à qui je l'avais prêté avant de commencer l'entraînement.

Cet enfoiré ne me rendait jamais mes briquets. Pourquoi je continuais à avoir pitié de lui ?

Frustré, je marchai jusqu'à l'épicerie la plus proche.

— Ehhh, si c'est pas le meilleur boxeur de la ville ! S'exclama le vendeur dès mon entrée.

Une vieille connaissance. Ice. Ce n'était pas son vrai prénom mais tout le monde le surnommait ainsi. C'était parti d'une histoire ridicule de cours d'école, une de ces anecdotes d'enfance dont on se souvient à peine, mais qui colle à votre peau pour toujours. Tout ce dont je me souvenais c'était qu'il y avait un rapport avec des coeurs brisés.

Nous avions fait tout notre cursus scolaire ensemble et je l'avais vu évoluer en ce grand gaillard qui frôlait très certainement les deux mètres. À l'époque, il était déjà imposant, mais ça n'avait rien avoir avec sa carrure actuelle.

Je lui adressai un signe de tête en guise de salutation et attrapai un briquet exposé près de la caisse.

— Je pensais que t'allais arrêter de fumer ?

— Dans la vie, tout se passe pas toujours comme on le souhaite, n'est-ce pas ?

Le sourire en coin, j'inspectai le briquet pour m'assurer qu'il fonctionnait correctement.

— Fais pas trop le malin. Quand mon entreprise sera cotée en bourse, je veux pas te voir ramper à mes pieds. Dit-il, fièrement.

Je posai un billet sur la caisse.

— En attendant, essaye déjà de pas te faire voler les rangées de chewing-gums.

Je pointai du doigt la petite rangée qui s'était visiblement fait dévaliser et je l'entendis grogner.

— Putain, c'est encore ces gosses. Ils passent leur vie à me voler ! S'énerva-t-il en faisant le tour de sa caisse. Sérieux, ils veulent pas aller à l'école un peu ?

Je lui tapotai l'épaule avec une pointe d'amusement, masquant un rire presqu'irrespectueux.

— On faisait exactement la même chose à leur âge, je te rappelle.

Faiblement, il soupira, les mains sur ses hanches.

— Sinon, tu vas voir les combats c'soir ?

Je répondis par un haussement nonchalant des épaules, mettant de nouveau la cigarette entre mes lèvres.

— J'sais pas. P't'être. On verra.

— Tu devrais venir. Jackman se bat se soir. Ça fait des mois qu'on l'a pas vu.

Je plissai les yeux, confus.

— Celui qui était dans le coma pendant trois mois ?

— Et qui a été interrogé par la police dès son réveil, oui, ce Jackman là.

Un rire m'échappa face à l'absurdité de l'information. Pour la faire courte, Jackman était réputé pour être le meilleur de la ville dans ce genre de combats sans foi ni loi jusqu'au jour où il s'est frotté à la mauvaise personne. Un gars de Garfield Ouest. L'échec n'était pas vraiment quelque chose qu'ils acceptaient dans ce coin-là. Dans la nuit même de la victoire de Jackman contre ce type-là, il a été attaqué par des « inconnus » et a frôlé la mort.

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