Where the heart belongs

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𝑰 𝑵 𝑨 𝒀 𝑨

MARCHER DANS LA RUE AUX CÔTÉS DE THÉO était une expérience à part entière. J'avais l'impression d'être aux côtés d'une célébrité locale. Comment quelqu'un pouvait-il connaître tout un quartier ?

Chaque personne qui passait le saluait rapidement ou échangeait quelques mots. Les interactions ne duraient généralement pas plus de vingt secondes, mais il y en avait eu une dizaine en à peine cinq minutes de marche. C'était infernal.

— Theo, mon chou ! Comment tu vas ?

Ce fut la première exclamation que j'entendis à la seconde où nous passions la porte du restaurant. Il s'agissait d'une femme derrière le bar. Aux alentours de la cinquantaine, la peau ébène et les joues potelées, elle portait une expression lumineuse.

— Linda ! S'enthousiasma Theo. Alors tes vacances ? Tu m'as manqué, tu sais.

— Regardez-moi ce beau parleur. Dis surtout que ma cuisine t'as manqué.

Theo s'accouda au bar avec aisance. J'avais rarement vu une personne rayonner autant autour des gens.

— Tu sais très bien que personne ne fait le poulet frit mieux que toi dans cette ville. Probablement même dans tout le pays.

La présumée Linda éclata d'un rire sincère et bruyant attirant le regard de quelques clients.

— Tu me gênes maintenant, cariño. Comment va Mia— Eyyy, quien es esta guapa que trajiste* ?

La femme pivota légèrement vers moi, les yeux à la fois pétillants de surprise et de ravissement. Son sourire chaleureux m'accueillit avec une certaine curiosité.

— Inaya, Me présentai-je, mes lèvres ornées d'un sourire. Sa voisine de palier. Il m'a gentiment proposé de l'accompagner.

De ma vision périphérique, je sentis le regard intrigué de Theo se poser sur moi.

— Tu parles espagnol ?

— Oui. Figure toi que faire la difficile auprès de la gente masculine à l'école laisse énormément de temps libre.

Je me tournai vers lui et le vis pousser sa langue contre sa joue, apparemment plus amusé qu'offensé par ma réponse.

Mes yeux plongés dans les siens, mes lèvres s'étirèrent doucement.

— Linda, enchantée. Bienvenue à Loca Linda.

La voix suave de la gérante fut un retour brutal sur la terre ferme. De manière synchronisée, nous dévions notre regard.

— Enchantée, et merci. Murmurai-je.

La femme latine fit le tour de son bar pour nous accompagner jusqu'aux banquettes dans un coin du restaurant. Je glissai contre le siège en cuir pour me mettre près de la fenêtre et Theo fit de même, face à moi.

Linda posa une carte sur la table, en ma direction avant de s'armer de son stylo et calepin.

— J'imagine que pour toi ce sera comme d'habitude, Tito.

Il acquiesça avant de prendre la carte et de la lui rendre.

— Fais essayer ton poulet frit à Inaya. Tu vas adorer. Affirma-t-il cette fois, dans ma direction.

— J'ai pas faim, merci.

Peut-être que ce fut à cause de ma voix qui se fit petite et douce, qu'il continua d'insister.