L'Institut Stafford

Chapitre 1

Shaolin Mailly - 25 août 

J'avance d'un pas hésitant vers les hautes grilles en fer ouvertes devant moi. Il n'y a personne. Mes parents se sont peut-être trompés de route. Ou alors ils l'ont fait exprès pour se débarrasser de moi. Non... Non, ils ne feraient jamais ça. C'est juste moi qui panique car c'est la première fois que je mets les pieds dans cet endroit isolé, loin de toute civilisation. Je parie que mon téléphone ne capte même pas sur cette colline au milieu des bois.

Je me retourne avec l'espoir de voir mes parents encore garés sur le bord de la route mais ils sont bel et bien partis, me laissant seule face à l'inconnu. Ils m'ont envoyée dans ce pensionnat pour que j'aille mieux. Pour que je passe à autre chose. Pour que je me reprenne en main. C'est ce qu'ils me répétaient en boucle quand je protestais, n'ayant aucune envie de partir loin de ma famille et de mes amis. D'abandonner tout ce que je connais. Cependant, je sais bien qu'ils m'ont envoyé ici également pour une autre raison. Ils ne supportaient tout simplement plus de me voir. De voir dans quel état pitoyable leur fille se trouve. C'était trop pour eux. Ils avaient besoin de respirer.

Tu les désespères.

Non, arrête ! Ce n'est pas vrai. C'est seulement pour mon bien.

Je fais le tour de l'imposant bâtiment qui se trouve au milieu du gigantesque parc du lycée en suivant les indications marquées sur des panneaux blancs plantés dans les graviers spécialement pour la rentrée. Mon sac d'affaires pèse lourd sur mon épaule droite tandis que mon sac d'école me paraît léger en comparaison.

Des voix de plus en plus fortes parviennent à mes oreilles. Enfin ! Un signe de vie. Je me détends, sûre de ne plus être seule. Alors que je tourne au coin du vieux bâtiment, des centaines de personnes apparaissent dans mon champ de vision. Il y a autant d'adultes que d'élèves. Je ressens une soudaine tristesse m'envahir en voyant toutes ces familles réunies pour se dire au revoir. Elles semblent tellement soudées. Je me fraye un passage entre les individus sans savoir réellement où aller. Mon regard cherche un panneau semblable à ceux que j'ai suivi pour arriver dans cette cour.

Un regroupement d'élèves se forme près d'une immense porte en bois gravé. Cette bâtisse qui ressemble davantage à un château qu'à une école est encore plus grande que celle que je viens de contourner. Je suis le groupe, ne sachant pas où me rendre. Beaucoup des adolescents étaient déjà inscrits les trois années précédentes. Ils connaissent donc déjà le pensionnat. Les adultes eux restent dans la cour, n'ayant pas le droit d'entrer.

Les murs à l'intérieur sont recouverts d'un vieux papier peint rouge, déchiré à certains endroits et noircis à d'autres. Un lustre fixé au plafond éclaire tout le hall d'une lumière dorée.

Passant une deuxième porte, je me retrouve dans une immense salle de réception où ont été installées des chaises. Je prends place à côté d'un garçon blond avachi sur son siège et lâche mes affaires qui tombent bruyamment sur le sol. L'adolescent me jette un regard rapide avant de se concentrer sur la scène devant nous. J'observe le vieil homme sur l'estrade en train de faire des réglages avec son micro. Au bout d'une quinzaine de minutes quand tous les étudiants sont assis, une femme monte sur la scène et prend l'objet que l'homme lui tend. Il paraît minuscule en comparaison avec elle. Avant même qu'elle se présente, je sais déjà qui elle est. La directrice. Grande et élégante, elle l'exemple parfait de la femme forte et indépendante. Elle a l'air d'avoir une quarantaine d'années. Elle nous scrute un par un avec son regard glacial pour nous faire taire avant d'enfin prendre la parole d'une voix forte et assurée :

— Je suis Natalia Stafford, directrice de cet établissement scolaire où vous allez passer cette dernière année. L'année de terminale est l'une des plus importantes car par la suite vous allez vous rediriger vers des études supérieures où un diplôme et dans la plupart des cas une bourse sont nécessaires. Pour obtenir cela, vous devez donner le meilleur de vous-même. Seuls les élèves qui feront cet effort seront récompensés à la fin de l'année scolaire lorsque les bourses seront distribuées aux élèves ayant les meilleurs résultats.