Prologue

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11 juin


Je saute sur Enola pour récupérer mon écharpe qu'elle m'a dérobée. Sans se laisser faire, ma meilleure amie se dégage de mon emprise et monte sur le canapé avant de retomber sur le parquet pour courir vers sa chambre. Je la poursuis tout en essayant de ne pas trébucher sur les jeux de société qui recouvrent le sol. Quand j'arrive enfin à la rattraper, mon écharpe à disparu et Enola, assise sur son lit double, sourit de manière suspecte. Je m'approche d'elle, lui prends les mains et regarde dans les poches de son sweat. C'est pas vrai ! Où est-ce qu'elle a bien pu la mettre ? Je m'assieds à mon tour et essaie de faire les yeux doux. Ce que, je ne vais pas mentir, je ne sais pas faire du tout.

— Où tu l'as mise ?

Elle hausse les épaules et sourit de plus belle, dévoilant de petites dents blanches.

— Aller ! S'il te plaît ! Rends, lui ordonné-je de mon ton le plus coupant.

La blonde secoua la tête. La prenant par les épaules, je la pousse et la maintient allongée sur le lit pour la faire parler. Comme les seuls sons qui sortent de sa bouche ne sont que des gloussements, je me lève et fais le tour de sa maison, commençant par le salon où nous nous trouvions tout à l'heure.

— Elle est pas là si tu veux mon avis, me renseigne Enola au bout d'une dizaine de minutes à chercher sous les couvertures, dans les bacs et les rangements.

— Et elle est où alors ?

— Je sais pas. Cherche.

Je soupire et lève les yeux au ciel. Ça commence à m'agacer de devoir fouiller partout. Pour lui faire plaisir, je ne réponds rien et me dirige vers le bureau quand, dans le couloir, je tombe nez à nez avec sa mère qui tient à la main une écharpe à carreaux. Voyant mon regard sur l'habit, elle me la tend.

— Je l'ai trouvée dans la salle de bain, explique-t-elle de sa voix aiguë.

— Merci !

Je prends le vêtement que j'enroule autour de mon cou. Je me tourne vers Enola et lui tire la langue.

— Tu sais à quelle heure on vient te chercher ? Me demande sa mère après avoir jeté un coup d'œil à la montre doré autour de son poignet.

— Mon frère m'a envoyé un message tout à l'heure pour me dire qu'il partait. Il ne devrait pas tarder. Je vais regarder s' il ne m'a pas envoyé de message.

Elle hoche la tête et commence à tourner les talons quand elle ajoute :

— Au fait, tu voudrais remporter du hachis parmentier ?

— Oui, pourquoi pas.

Elle repart en direction de la cuisine tandis que je rejoins mon amie qui s'est assise sur le canapé gris. Alors que je m'assoie près d'elle, elle se lève brusquement, une idée en tête, et part en direction de sa chambre. Pendant ce temps, j'attrape mon téléphone posé sur la petite table en bois devant moi et vérifie s' il n'y a pas eu d'appels ou de messages manqués. Il est déjà vingt-trois heures trente. Ça fait trente-cinq minutes que mon frère aîné m'a envoyé un message pour me dire qu'il arrivait. Il n'est pourtant pas loin d'ici. Il est peut-être parti un peu après pour rester encore avec ses amis. Il fête la fin de sa dernière année de lycée et l'obtention de son diplôme tout de même ! Je décide pourtant de lui envoyer un mot pour m'assurer que tout va bien. Je ne sais pas vraiment pourquoi mais j'ai besoin d'avoir de ses nouvelles. Un mauvais pressentiment m'assaille.

Alors que je suis dans mes pensées, Enola revient en sautillant, des manettes de jeux vidéo à la main, me sortant de ma transe. Une fois qu'elles sont branchées sur la console et la télévision, elle revient s'asseoir sur le canapé et me tend une manette. Je pose mon téléphone puis prend l'objet qu'elle me tend. Ça va me permettre de me changer les idées. De ne plus penser à mon frère. Nous jouons à plusieurs jeux : Mario Kart, Super Smash Bros et Animal Crossing. Je fais des allers-retours entre la cuisine et le salon, prenant chips, bonbons, boissons. En jouant à Just Dance, nous nous déchainons. A qui aura le plus de bons commentaires. Nous dansons et rigolons.

Je l'adore. Avec Enola je suis toujours sûre que je vais passer un bon moment. Je l'ai connue en troisième et elle est vite devenue ma meilleure amie. Malheureusement elle à déménager peut de temps ensuite. Pourtant nous n'avons jamais perdu contact. Nous essayons de nous voir régulièrement pendant des soirées pyjamas ou des après-midi en ville.

Nous venons de finir notre énième danse, Enola éteint la console quand je décide de me poser et de vérifier mon téléphone que j'avais totalement oublié. 1h21 du matin. Une heure vingt et un du matin et il n'a toujours pas répondu, il n'est toujours pas arrivé et il n'a même pas vu le message. Mon cœur se met à battre plus vite. Je sens l'anxiété monter en moi. Je l'appelle une première fois. Aucune réponse. Une deuxième fois. Toujours rien. Troisième, quatrième. Rien. Je lui envoie des messages par dizaine. Il devrait être là. Ça fait plus d'une heure qu'il devrait être ici. Voyant ma nervosité, Enola me prend le téléphone des mains et me rassure :

— Il va arriver t'inquiètes. Il est sûrement parti un peu plus tard pour rester avec ses potes. Ce n'est pas tous les jours qu'on fête son bac.

Elle passe son bras sur mes épaules et m'attire contre elle. Je me laisse faire. Puis, pour me changer les idées, elle me raconte ce qu'elle va faire pendant les vacances. Elle va voyager en dehors des États-Unis pour la première fois de sa vie. A Grenade dans le sud de l'Espagne. C'est une très jolie ville. Avec mes parents, mon frère et ma sœur nous étions partis là-bas il y a quelques années. Je lui conseille donc de visiter l'Alhambra qui est magnifique. Je n'ai jamais vu Enola aussi impatiente de faire quelque chose. Mais même si ça me fait sourire de la voir ainsi, je ne peux m'empêcher de penser à mon frère.

Sa mère revient dans le salon pour mettre mon plat de hachis parmentier et les bracelets que nous avions fait plus tôt dans la soirée dans le sac avec lequel je suis venu. Je la remercie. Tout comme sa fille, elle est vraiment adorable.

Enola se remet à parler mais cette fois ci de son lycée. Ses professeurs sont incroyables. Tout le monde est gentil. Alors qu'elle commençait à me raconter les embrouilles entre elle et des élèves qu'elle ne supporte pas, mon téléphone se met à sonner. Je me lève d'un bond et décroche sans même regarder qui c'est.

La voix tremblante de ma mère parvient à mon oreille. J'entends ses sanglots à travers la ligne du téléphone. Mon visage se décompose au fur et à mesure que la conversation avance. Mes lèvres se mettent à trembler et ma vision devient floue tandis que mes yeux se remplissent de larmes. Non... Non, ce n'est pas possible. Ça ne peut pas être vrai. Ça ne peut pas arriver ! C'est une putain de blague !

Mon père prend la parole à son tour mais je n'écoute plus. Je n'entends plus rien. Les larmes coulent à flots sur mes joues. J'ai la tête qui tourne. Quand je pose le portable sur la table, mes mains tremblent. Je me laisse tomber sur le canapé puis pose mes doigts gelés sur mon front et appuie mes coudes sur mes genoux. Enola, qui s'est approchée entre-temps, dit quelque chose que je ne comprends pas, entendant à la place seulement mon cœur qui bat.

Au bout de plusieurs longues minutes, je relève la tête et remarque que mon amie est debout près de sa mère à m'observer, inquiète. Je passe rapidement la manche de mon pull beige sur mon visage pour essuyer toutes les traces de larmes.

— Je... Je vais... rester dormir ici si... si ça ne vous dérange pas.

Sa mère acquiesce sans dire un mot avant de s'asseoir à côté de moi et de me prendre dans ses bras.

Ne réussissant pas à me contenir davantage, je me remets à pleurer toutes les larmes de mon corps.

Mon frère... Pourquoi ? Pourquoi lui ? Il a toujours été là pour moi. Qu'est-ce que je vais faire sans lui ? Sans lui. Il n'est plus là. Il est parti. Il est mort. Mort.












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