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Quand on me demande de définir l'amour, je suis souvent saisie d'un mutisme profond. Après un moment de contemplation silencieuse, ma réponse se teinte d'incertitude : "Je ne sais pas." L'amour est un ouragan d'émotions indescriptibles, un mélange déconcertant et enivrant. Je lutte pour trouver les mots qui pourraient exprimer l'intensité bouleversante de ce que je ressens, de tout ce tourbillon émotionnel qui m'assaille chaque fois que mes yeux rencontrent ceux de Darius. C'est une force qui me submerge, me transcende.

Je me souviens, à quinze ans, combien il me semblait naïf et irréaliste de nourrir une telle affection pour un homme de vingt ans. Alors, j'avais décidé de mettre de côté ces sentiments confus, inexplorés. Mais à l'âge de dix-sept ans, lors d'une soirée célébrant le succès de nos pères, ma perspective a été bouleversée.

Ce soir-là, en descendant les escaliers, vêtue de ma robe rouge éclatante, j'ai perçu une lueur différente dans le regard de Darius. Un éclat nouveau, chargé d'une intensité mystérieuse. Un frisson d'espoir m'a traversée, me laissant penser qu'il commençait à me voir sous un jour nouveau. Nos regards s'entrelaçaient fréquemment dans la foule, porteurs d'un changement subtil mais palpable. Son regard magnétique me faisait rougir et battre le cœur, suggérant qu'il commençait à me percevoir différemment.

Plus tard, isolé sur le balcon, Darius fumait tranquillement. En m'approchant, il ne montra aucune gêne. Même s'il ne me fixait pas directement, je sentais qu'il était pleinement conscient de ma présence. Observant attentivement ses yeux d'un vert profond, ses cheveux caressés par le vent, son visage aux traits fins et élégants, et ses lèvres charnues aspirant la fumée, j'étais totalement captivée. Mon regard s'attardait sur ses lèvres, au point qu'il a cru que je désirais goûter à sa cigarette.

- Tu veux essayer ? me demanda-t-il, une étincelle de malice dans les yeux.

Prise au dépourvu, mes yeux se sont écarquillés. Sans réfléchir, j'ai accepté la cigarette, aspirant la fumée de façon maladroite. Il éclata de rire, un son qui résonnait agréablement à mes oreilles, mélange de moquerie et de charme. Je le contemplais, absorbée par la vision de ses lèvres se mouvant dans un sourire narquois.

Après une profonde inhalation, il m'invita d'un geste à m'approcher davantage. Sans hésiter, je me suis avancée vers lui. La fumée enveloppait mon visage, mais je retenais mon souffle pour ne pas l'inhaler. Lorsque la fumée se dissipa, j'ai réalisé à quel point j'étais proche de lui, nos souffles presque mêlés. Ses yeux étaient mi-clos, ajoutant un voile de mystère à notre proximité soudaine. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine, une tempête d'émotions me submergeant. Sans une once de réflexion, portée par un élan de folie, j'ai pressé mes lèvres contre les siennes.

Nos lèvres se sont d'abord rencontrées dans un silence figé, puis il a réagi avec une passion qui semblait suspendre le temps, une étreinte émotionnelle d'une intensité dévorante. Mais soudainement, la réalité nous a frappés de plein fouet ; il m'a repoussée avec force. Son regard, autrefois empreint d'une douceur voilée, se transforma en une expression de dégoût inqualifiable. Il s'essuya les lèvres brusquement, comme pour effacer toute trace de notre contact. Il me fixa avec une intensité glaciale avant de cracher d'une voix teintée d'agressivité et de mépris :

- Sale gamine.

Il s'éloigna rapidement, me laissant seule, debout, tremblante sur le balcon. Mes larmes se mirent à couler, incontrôlables, chaque goutte reflétant la douleur et la confusion qui dévastaient mon cœur. Ce souvenir reste gravé dans ma mémoire comme une cicatrice indélébile. Depuis cet incident, nos chemins se sont croisés à plusieurs reprises, mais une distance froide et impénétrable s'était installée entre nous. Lui, évitant délibérément mon regard, et moi, cherchant désespérément à capturer le sien dans une quête obsessionnelle et douloureuse...

- Hazel ?

La voix de mon père me tire de mes pensées. Perdue dans le labyrinthe de mes souvenirs de Darius, je me retrouve soudainement face à la réalité du présent.

- Oui, papa ? dis-je, en me redressant.

- Tu as l'air préoccupée. Est-ce que tout va bien ? Tu ne devrais pas déjà être en route pour ton cours ? s'inquiète-t-il.

Je me demande ce qui a bien pu raviver mes pensées pour Darius aujourd'hui. Ça fait des mois que je croyais l'avoir oublié, et voilà qu'il surgit à nouveau dans mon esprit. Je prends une grande inspiration, cherchant à chasser son image.

- Oui, tout va bien. Je pars maintenant, réponds-je en rassemblant mes affaires.

Je suis professeure de dessin dans un lycée prestigieux, un rôle que j'ai obtenu en partie grâce à l'influence de mon père. Bien qu'il n'ait jamais pleinement approuvé mon aspiration à devenir une artiste professionnelle, il m'a tout de même offert cette chance. Parallèlement, je suis des cours d'architecture à l'université, jonglant entre ma passion pour l'art et les exigences académiques.

À presque vingt-cinq ans, je vis encore chez mes parents. Non pas par choix, mais parce qu'ils ne sont pas prêts à me voir partir. Ils me traitent encore comme une enfant, une situation que j'accepte car je les adore malgré tout.

Je sors de la maison et me dirige vers ma voiture. Conduire me donne un sentiment de liberté, un moment pour moi-même, loin des préoccupations et des souvenirs. La route vers le lycée est familière, et je me laisse absorber par la routine du trajet.

Arrivée au lycée, je suis accueillie par le brouhaha des élèves. Leur énergie et leur enthousiasme pour l'art me redonnent toujours le sourire. Je me dirige vers ma salle de classe, un espace où ma créativité peut s'exprimer librement.

En préparant le matériel pour le cours, je réfléchis à la leçon du jour. C'est dans ces moments, entourée de crayons, de papiers et d'élèves avides d'apprendre, que je me sens vraiment à ma place. L'enseignement est ma façon de partager ma passion, d'inspirer les autres, et d'oublier un temps les complications de mon cœur.

- Bonjour, tout le monde, lance-je avec un sourire en entrant dans la salle.

Un Mari InaccessibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant