PILLAR | T1

Chapitre XIII

La peur l'arracha de son sommeil. Ses mains tremblantes vinrent trouver le tissu de sa couverture trempée de sueur et la serrèrent de toutes ses forces, comme s'il s'y accrochait aux dépens de sa vie. Puis, son regard se dirigea vers la fenêtre. Kyle mit longtemps à la fixer, afin de savoir si la chaleur des rayons du soleil naissant était réelle ou bien le fruit de son subconscient tortueux. Il dormait toujours la fenêtre ouverte, comme si elle était une issue de secours. C'était peut-être idiot. Mais il avait l'impression de mieux respirer ainsi. 

— Est-ce que tout va bien ?

Lorsqu'il tourna la tête, il tomba nez à nez avec un ange. 

Ses cheveux d'or étaient nattés. Kyle ne l'avait jamais remarqué, mais Emma avait des taches de rousseurs partant de son nez. Elles lui rappelaient les constellations dont il avait pour habitude d'admirer lors de ses insomnies. À vrai dire, elles n'apparaissaient qu'en présence du soleil. Alors, suite à la météo grisonnante qu'ils avaient eue ces derniers jours, ce n'était donc pas étonnant que cela l'ait échappé. Il en doutait encore toutefois, son parfum de rose affirma son retour à la réalité. 

Kyle sentit par la suite une certaine fraîcheur sur son avant-bras et son épaule, le faisant sortir de ses contemplations. Et, quand il vit ses mains délicatement posées sur sa peau brûlante, il ressentit une douce chaleur faire battre son cœur, suivie de près par une indésirable peur, avant de finalement se défaire de son toucher. Il renversa la couverture sur le côté, puis sortit de son lit.

— Tu convulsais, s'inquiéta Emma.

— Je vais bien. 

Incrédule, elle regardait Kyle contourner son lit pour venir prendre son t-shirt noir qu'il avait nonchalamment posé — s'il ne l'avait pas plutôt jeté — au pied. Il l'enfila.

— Kyle, ce n'est pas la première fois que je te réveille dans cet état, insista-t-elle, inquiète de ses fréquentes crises. C'est comme si tu te trouvais sur une chaise électrique et que tu... 

— Je vais bien, je t'ai dit, rétorqua Kyle, en appuyant son regard sur elle. 

Son ton s'était peut-être fait un plus ferme qu'il ne l'aurait voulu. Ses cauchemars ne le rendaient jamais de bonne humeur et tout ce qu'il souhaitait était de les oublier le plus vite possible, si bien que cela s'avérait être encore plus complexe qu'il n'y paraissait. Cependant, Emma n'y était pour rien, et il en prit conscience. Alors, d'une voix plus souple, il ajouta :

— Ce n'était qu'un cauchemar, rien de grave. Ils... peuvent certes être mouvementés, parfois. Mais je suis un grand garçon, inutile de venir chaque matin. 

Et comment ? Elle avait l'impression de l'entendre mourir tous ces matins-là dans lesquels il avait pris le risque de fermer l'œil ne serait-ce que pour trouver un peu de repos. Que voulait-il qu'elle fasse d'autre ? Tenter de se rendormir sous ses gémissements de peine ? Venir le sauver de son subconscient horrifique était la chose la plus sincère qu'elle puisse faire. Lui prendre la main et lui montrer qu'il n'était plus seul. 

— J'ai eu une période de ma vie dans laquelle il m'arrivait souvent de faire des cauchemars, confia-t-elle. Lors de ces moments-là, j'aurais bien aimé avoir une présence auprès de moi.

Car Emma, lors de ses réveils les plus mouvementés, se retrouvait aussi seule qu'une lune démunie de ses étoiles. 

Quand il se tourna vers elle, Emma croisa les bras, comme elle le faisait si fréquemment lorsque sa vulnérabilité laissait transparaître. Ils avaient au moins cela en commun. Néanmoins, alors qu'il haïssait au plus haut point cette part pourtant intégrante de lui-même, il y trouva chez elle quelque chose d'apaisant. Emma était alors devenue une petite flamme fragile au milieu de bourrasques, tandis que Kyle la protégeait de ses bras comme s'il préservait son dernier brun de lumière.