Chapitre IV

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Le temps était mis en suspension. Les grains de sable avaient cessé de couler dans le sablier ; les aiguilles de la grande horloge s'étaient immobilisées. Chacun se demandait qui allait attaquer en premier. Qui osera faire le premier pas de la danse.

Puis, dans une synchronisation parfaite, le mystérieux trio sauta par-dessus le garde-corps. Leurs pieds frappèrent le sol et le temps reprit soudainement son cours. Le sable s'écoulait, les aiguilles tournaient à nouveau. Il pensait que le premier pas de danse venait d'être fait. Alors, par réflexe, il brandit son arme, prêt à riposter à la moindre attaque.

Il pensait s'engager dans une danse dynamique, poussée par une adrénaline qui parcourait ses veines, mais ce n'en fut rien. À la place, ils restèrent tous les trois immobiles, comme les trois aiguilles d'une horloge à l'arrêt.

La triple paire d'yeux scrutait ses moindres gestes qui pourraient être menaçants.

Il se demanda alors pourquoi restaient-ils là à attendre au lieu de venir l'attaquer et le capturer, comme était sûrement leur intention. Certainement pour le torturer puis le faire rejoindre toutes ses victimes à qui il avait cruellement ôté la vie, pensait-il. À le faire payer pour ses crimes. À lui faire prononcer son jugement.

Mais tous ses regards collés à sa peau l'empêchaient de réfléchir avec discernement. C'était comme s'il était soudainement devenu trop grand, trop voyant. Que leurs pupilles étaient en capacité de percevoir ce qu'il s'efforçait d'enfouir au plus profond de lui-même. Ce que les autres n'étaient pas capables de voir d'ordinaire. Des choses bien trop abjectes et futiles pour leurs yeux si parfaits. Pourtant, il suffisait seulement de prendre un peu de temps et de l'observer pour se rendre compte de qui il était réellement.

Cependant, ils le regardaient depuis bien trop longtemps maintenant. Alors, au risque qu'ils ne décèlent l'un de ses secrets, il recula de quelques pas et positionna soigneusement son index sur la détente, désormais prêt à tirer.

C'est alors qu'une étrange force s'empara de son arme, comme si elle était attirée par quelque chose de si puissant que même le Pilier eut du mal à résister. Il tenta de la retenir entre ses mains un peu plus longtemps, mais ce fut vain. Tel un aimant, son fusil d'assaut fut amené à toute vitesse vers le ciel. Quand il leva la tête, il distingua un petit dispositif accroché au plafond de l'entrepôt. Son arme et le dispositif étaient entrés en collision et ne pouvaient être séparés. Malgré l'obscurité, il n'eut pas de mal à distinguer le boîtier noir octogonal issu de la technologie divessienne. Il ignorait comment se l' étaient-ils appropriés, cela dit.

Privé de son fusil d'assaut, il dégaina alors un premier pistolet accroché sur le flanc de sa cuisse droite. Le canon pointé vers la fille aux couteaux qui se trouvait en face de lui, ce ne fut qu'une question de temps avant que l'étrange force ne refasse surface. Elle s'empara de son pistolet puis l'attira en haut du mur cette fois-ci, sur lequel un deuxième boîtier noir octogonal y était accroché.

Il était désarmé et menacé, tel un animal pris au piège par ses chasseurs. Une position quelque peu ironique quand on le savait avoir pour habitude de traquer ses proies. Les rôles s'étaient-ils inversés cette fois-ci ? Non. Il ne pouvait pas se le permettre.

Il était le Pilier, l'assassin des rebelles, l'esclave de la Mort. Tous ces titres ne lui avaient pas été attribués pour semer la terreur à quiconque oserait défier l'autorité du président. Ou encore pour instruire les plus jeunes sur l'allégeance qu'ils devront lui réserver à l'avenir. Mais parce qu'il était la représentation parfaite de ces allégories. Parce qu'il ne s'agissait pas de simples noms qu'on lui donnait, mais de ce qu'il était.

PILLAR | T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant