Chapitre VIII

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Kyle se réveilla dans la sueur et les tremblements. Une chaleur étouffante l'enveloppa pendant qu'il émergeait de son cauchemar aux mille démons. Il pencha sa tête en arrière jusqu'à ce qu'elle repose sur le mur et, d'un soupir, il tenta d'extérioriser toutes ses craintes, mais c'était comme si elles étaient greffées à ses bronches. D'un regard circulaire, il détailla sa chambre afin de s'assurer qu'il avait bel et bien quitté son subconscient chaotique. Une commode à la peinture verte craquelée sur laquelle reposait un vase de rose fané. À travers la fenêtre, on y voyait une épaisse branche du grand arbre aux feuilles marquées par la saison automnale imminente. Le clair de lune se reflétait sur sa fourrure. Sur l'épaisse branche, le chat noir le toisait de ses yeux jaunes aussi perçants que ceux d'un serpent, comme un esprit protecteur. 

Il rabattit sa couverture sur le côté avant de sortir de son lit. Au pied de celui-ci, il prit son t-shirt qu'il avait nonchalamment déposé, puis l'enfila. Après être sorti de sa chambre, il veillait à ne pas réveiller les trois autres habitants du Manoir qui couchaient dans les chambres voisines. Puis, ce fut à pas de loups qu'il emprunta les couloirs de la demeure dans laquelle régnait un silence religieux. La fraîcheur de la nuit refroidit sa peau encore en ébullition à cause de la peur que lui avait suscité son mauvais rêve. 

Kyle se maudissait d'avoir fermé l'œil cette nuit-là. Il lui suffisait de quelques instants de sommeil pour plonger dans la partie la plus sombre de son subconscient. C'était la raison pour laquelle il refusait de dormir certaines nuits. Plutôt que de partir à la rencontre des fantômes du passé, il préférait admirer les étoiles ainsi que la lune qui semblait veiller sur lui lors des instants les plus cruciaux. Elles lui proféraient un sentiment nostalgique sans pour autant l'autoriser à visualiser les images qui lui étaient encore inaccessibles. 

Lorsqu'il arriva dans la salle de bain, une bassine en métal remplie d'eau l'attendait sur un meuble en bois. Il y plongea ses mains et les plaqua contre son visage recouvert d'un film de sueur. Il paraissait revivre à nouveau alors qu'il laissa échapper un soupir d'apaisement. Quand il leva la tête, le miroir mural fendu par une longue fissure lui montrait tel qu'il était réellement : un jeune homme pathétique qui plaçait son espoir dans des personnes qui le voyaient seulement comme un atout. Une fois encore, on ne l'avait pas choisi parce qu'il saurait briller par sa personne, mais par ce qu'il pouvait leur apporter. De ses cheveux d'ébène à sa lèvre fendue à ses yeux océaniques. Son insignifiance le répugnait. Il décrispa ses mains lorsqu'il entendit le bois craquer sous sa poigne. 

Après avoir essuyé l'excédent d'eau sur sa peau pâle, il regagna le chemin en direction de sa chambre, si bien qu'il ne comptait plus fermer l'œil de la nuit. Une fois arrivé là-haut, il était sur le point de saisir la poignée de la porte lorsqu'il perçut des voix.

— C'est pas vrai, souffla-t-il avant d'entrer dans sa chambre et de tomber nez à nez avec la bande. Je peux savoir ce que vous faites ici ?

Trois paires d'yeux se braquèrent aussitôt sur lui.

— On est chez nous, je te rappelle, répliqua Gaby qui s'était autorisée à s'asseoir au pied du lit de Kyle.

—  On est venu te chercher, lui répondit plus sérieusement Aaron sans pour autant lui donner davantage de détails.

— Venir me chercher pour quoi ? s'enquit Kyle.

C'était alors qu'il remarqua leurs habits bien trop inconfortables pour passer la nuit dedans.

— Il y a un bar en ville, le Dancing Angel, poursuivit Emma. (Ses longues mèches blondes tombaient en cascades sur son pull bleu tout fin. On pouvait apercevoir le t-shirt noir sous son pull puisque ses pouces passaient au travers de petits trous au bout des manches.) Il ferme assez tard, car les gens s'y rendent pour trinquer la fin de la semaine. On se demandait si tu voulais venir.

PILLAR | T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant