PILLAR | T1

Chapitre IX

TW : Violence et sang.

Sur le chemin du retour, ils voyaient au loin les clients du Dancing Angel fuire les Légionnaires qui les poursuivaient mollement. Le bruit des klaxons provenant des fourgons, ainsi que des sifflements retentirent dans toute la ville depuis le bar. La plupart des officiers n'étant pas de service et avec la vision détériorée par l'obscurité nocturne, ils se contentaient seulement de disperser la foule et de faire taire les agissements belliqueux. Il semblait bien que la bande avait quitté le bar à temps, si bien qu'ils regrettaient leur ami barman délaissé à son triste ménage.

Alors qu'Aaron portait sur son dos une Gaby îvre mort comme elle l'avait prédit, Emma et Kyle restèrent en retraite, quelques mètres derrière le renard et la brune endormie.

Sa tête levée vers le ciel taché de constellations, Kyle perçut à travers elles ce qu'il avait longtemps oublié. Il se rappelait désormais pourquoi elles lui paraissaient si familières tout ce temps, et pourquoi lui proféraient-elles un tel réconfort. C'était comme si la réponse avait été là, juste au-dessus de sa tête, mais qu'il avait oublié comment déchiffrer l'énigme. Des visages s'y dessinaient et il avait l'impression de ressentir leur douce présence à travers la brise qui faisait danser ses cheveux d'ébène. Comme un souffle d'espoir qui le poussait afin qu'il puisse continuer à avancer. Tout paraissait plus clair. Tout paraissait trop beau. Et si tout cela était faux ? Et si tous ses souvenirs lui avaient été implantés dans son cerveau par Frank et ce mystérieux Zack, comme le professeur Kurgman avait effacé sa mémoire ? Après tout, ils étaient bien parvenus à créer un sérum capable d'effacer sa force surhumaine le temps de quelques heures. De plus, il n'était qu'un "atout" pour ces famessiens, un objet sollicité pour leurs idéaux. Du moins, c'est ce que lui avait laissé penser Frank lors de son discours à la dernière réunion de Freedom's Wings. Il s'en voulait de se montrer aussi naïf envers des inconnus auxquels il ne connaissait absolument rien. Il connaissait pourtant la chanson ! Le président lui en avait appris chaque couplet. Alors, pourquoi restait-il auprès d'eux, à manger à leur table, et à dormir dans la chambre qu'ils lui avaient attribuée ?

— Tu as l'air perdu, remarqua Emma.

Sa douce voix le fit quitter la rive de ses pensées, et il détailla son visage d'ange seulement éclairé par la lueur divine de la lune.

— Navrée pour cette soirée mouvementée, s'excusa-t-elle. J'aurais préféré que tu découvres la ville sans son côté bagarreur.

— Ne t'en fais pas, ce n'est rien, la rassura-t-il.

Outre le fait qu'il s'était fait agresser par les rancuniers de ses méfaits, la soirée s'était passée de façon plutôt plaisante pour lui. Cela dit, sa migraine n'était toujours pas passée.

— Permets-moi de te demander, qu'est-ce qu'il s'est passé avant que je t'entraine hors du bar ? Tu avais l'air bouleversé, tu avais même la larme à l'œil.

Kyle était assez gêné qu'elle l'ait vu si vulnérable. D'ordinaire, il n'aurait rien laissé paraître, quitte à noyer son cœur de mille larmes. Pour lui, les sentiments étaient de parfaites armes dont il serait toujours la cible. Un moyen fiable pour ses adversaires de fêler son âme et d'abîmer son cœur déjà meurtri. Une petite voix lui donnait toujours l'impression que tout le monde était animé de mauvaises intentions pour le nuir. Que l'on détruirait tout ce qu'il y avait de bon en lui avant de le jeter — pour de bon cette fois — et de le laisser pourrir à son triste sort. Une vision mélodramatique pas tout à fait vraie.

Après avoir laissé le silence combler son embarras le court d'un instant, il prétendit :

— Rien. J'ai seulement reçu de l'alcool dans les yeux.