Chapitre I

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TW : violence, sang, meurtre.

C'était toujours la même chose.

— J'ai une nouvelle mission pour toi, déclara le professeur Krugman, habillé comme toujours de sa blouse blanche.

Le dos collé au dossier de sa chaise, il observa le dossier que le scientifique venait de lancer sur la table en métal d'un revers du poignet sans grand intérêt. Les murs autour de lui étaient d'un blanc si immaculé que cela lui procréait souvent un mal de tête. La clarté avec laquelle avait été conçu ce laboratoire semblait vouloir offrir une certaine pureté, une preuve que ce lieu ne représentait aucune menace. Mais il ne s'agissait que d'une autre illusion.

Dès lors qu'il fut annoncé d'une nouvelle mission, les images qu'il n'avait vues que trop de fois lui revinrent à l'esprit.

Ils étaient toujours là, à genoux, à le supplier d'épargner leur misérable vie. À chaque fois, des perles d'eau roulaient le long de leurs joues jusqu'à ce que leurs papilles gustatives ne gouttent pour la dernière fois ce goût bien trop salé qui ne faisait que refléter la tristesse et la peur qu'ils éprouvaient. Surtout, la peur, à-vrai-dire. Les battements de leur cœur résonnaient perpétuellement dans leur poitrine qui ne faisait que monter et descendre à une vitesse fulgurante. Ceux qui y croyaient priaient une toute dernière fois Dieu, si bien que leur sort était déjà scellé par le destin.

Mais il suffisait d'un simple geste de sa part pour que cette cacophonie d'émotion prenne fin en une fraction de seconde. Il n'avait qu'à presser la détente pour vider leurs yeux de toute la terreur qu'il leur infligeait. Puis vint l'horrible son de leur corps sans vie qui s'écroule contre le sol, suivi du parterre terreux qui ne tardait jamais à virer au rouge. Un rouge doté d'une odeur métallique à vous donner la nausée. Mais lorsque le sang s'était assez répandu pour y voir son reflet, ce n'était plus le liquide rouge à l'odeur désagréable qui lui nouait l'estomac, mais bien lui. Dans la mesure où cela aurait été possible, il aurait bien aimé faire disparaître son reflet tout comme il avait fait disparaître la vie dans le corps de sa victime. Y voir ses yeux bleus lui rappelait toujours qu'une nouvelle voix se rajouterait au chœur qui le maintenait éveillé toutes les nuits.

Tout ce processus se répétait perpétuellement depuis maintenant cinq ans.

Mais il resta assis, le regard perdu sur le dossier contenant des informations de sa prochaine cible. Alors, d'un soupir, le scientifique l'ouvrit à sa place et le laissa découvrir le visage qui le hantera jour et nuit, et ce, jusqu'à la fin de ses jours. Il avait les cheveux courts de couleur châtains. Il devait bien avoir la trentaine.

— Voici ta nouvelle cible, Dwayne Miller.

Il lut silencieusement à travers les lignes et s'imprégna de chaque information qui figurait dans ce dossier. D'après les informations, Dwayne Miller serait le chef d'un petit groupe de rebelles et travaillerait dans les vergers du Pré qui occupaient le côté sud de Fames. Pas de famille, cela dit. Seulement une compagne.

Mais lorsque ses yeux bleus entrèrent une nouvelle fois en contact avec la photo de sa prochaine victime, un doute le prit de court. Il avait déjà posé cette question des centaines de fois auparavant. Mais il lui fallait toujours répéter la même réponse afin de lui rappeler l'importance de ses actes au sein de Thémis. Alors, sans quitter des yeux le visage de sa cible, il demanda d'une voix inerte :

— Pourquoi les tuer ?

Un soupir échappa des lèvres du professeur Krugman alors qu'il remonta ses lunettes sur l'arête de son nez à l'aide de son index.

PILLAR | T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant