Chapitre XI

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1ᵉʳ juillet 1783

Sa tempe collée contre la vitre, Kyle regardait le paysage bucolique de l'extérieur de la ville défiler devant ses yeux. Quelques maisons isolées se dressaient entre les prairies et les bois dansants la mélodie du vent. Et, alors que l'anneau doré du soleil se levait lentement, il vit au loin une biche sauter à travers les hautes herbes.

Les fenêtres du bus étaient ouvertes, mais pas assez pour y laisser entrer l'air frais convoité par cet été caniculaire. Son dos trempé était désagréablement collé contre le siège en cuir. Il aurait pensé que ce réveil matinal l'aurait poussé à se rendormir, mais l'excitation maintenait son énergie en éveil — et il en aurait bien besoin. Seulement, ce ne fut pas le cas de son meilleur ami qui dormait paisiblement à côté de lui. Il faudrait pourtant qu'il s'y habitue, car plus aucun répit ne lui serait accordé. Kyle était bien tenté de le réveiller. Mais, à la place, il lui donna seulement quelques coups de coudes lorsqu'il commençait à ronfler, afin de ne pas attirer l'attention du soldat chargé de les conduire jusqu'à la base. Mais, sûrement, avait-il donné un coup un peu trop fort, car cela réveilla son ami en sursaut, et ses iris gris lui lancèrent aussitôt un regard haineux.

— Une flemmarde comme toi ne fera jamais un bon Légionnaire.

Ils levèrent tous les deux la tête vers la voix qui venait de lui porter un tel jugement. Un visage dépassait du siège devant eux, alors que le garçon laissait ses bras pendre dans le vide.

— De quoi je me mêle ? répliqua farouchement Luther.

— Si tu continues à te prélasser de la sorte, tu finiras par abandonner au bout de la première semaine.

Sa joue s'écrasait sur le rebord de son siège. Et, sous ses mèches châtaines qui tombaient sur son front, ses yeux laissaient paraître un profond ennui. De toute évidence, ce garçon devait prendre Kyle et Luther pour une distraction.

— Tu t'occupes trop des autres, intervint Kyle, d'une voix plus neutre que son ami. Tu ferais mieux de garder tes conseils pour toi, ou ce sera toi le premier à abandonner.

Mais alors qu'il était sur le point de répliquer quelque chose, il fut interrompu par son ami assis à côté de lui.

— Laisse-les tranquille, Jasper, et tiens-toi bien, s'il te plaît.

Kyle voulut voir son visage. Mais, il ne put apercevoir que sa peau brune entre le petit espace qui séparait les deux sièges. Il semblait faire preuve de bien plus de tenu que Jasper. Car lorsque ce dernier laissa échapper un soupir avant de se rasseoir correctement sur son siège, comme venait de lui demander son ami, il se mit aussitôt à taper du doigt le rebord de la fenêtre comme un enfant refusant de se tenir en place.

— Relax, Stan !

Après un dernier rappel à l'ordre du Légionnaire, tout le monde se tut.

Quarante-cinq minutes de route étaient attendues pour se rendre à la base militaire qui allait devenir leur nouveau foyer le temps d'un mois. Elle se trouvait à l'entrée de la forêt, au pied des montagnes des Damnés. Cette petite chaîne de montage marquait la frontière entre Thémis et le reste du continent, un monde qui leur était pour le moment presque inexploré. Depuis la fin de la Guerre Olympia, il y a des siècles de cela, les conflits passés avaient plongé le continent dans une guerre froide dans laquelle régnait avec puissance la méfiance entre les six pays. Thémis, qui habitait ses terres sans qu'elles ne lui appartiennent, avait vu le jour bien après sa fratrie en conflit. Sa civilisation s'était construite en secret, loin des affrontements, par un peuple injustement rejeté pour ce qu'ils étaient et qui avait su trouver refuge dans ces terres abandonnées après de nombreux périples et souffrances. Seulement, ils avaient su renaître de leurs cendres.

PILLAR | T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant