29 juillet 1783
Le pas rythmé des Légionnaires faisait trembler les murs de Dives sous les contemplations émerveillées des citoyens. Le lisianthus leur était jeté, accompagné du campanule et du pivoine en gage de leur gratitude envers les services qu'ils leur rendaient en les protégeant de la menace qui grondait de l'autre côté du pont. Le rayon de soleil illuminait leur gloire dithyrambique, alors qu'une colombe erronée volait au-dessus d'eux, les protégeant de son aile. Chaque dimanche, des Légionnaires défilaient sur l'Avenue Mayflower et rappelaient à tous ceux qui l'auraient oublié la puissance que détenait Thémis.
Il était assez difficile de se faufiler dans la foule pour atteindre un point d'observation idéal. La plupart se mettaient sur la pointe des pieds ou prenaient des caisses et des sceaux. C'était ce qu'avaient fait les quatre amis. Contre une maison, surélevée grâce à une petite estrade improvisée, ils les admiraient défiler devant eux, les étoiles pleins les yeux. Ils profitaient de leur seul jour de repos de la semaine en savourant une brochette de saucisse pannée que leur avait vendu un petit commerçant qui ouvrait seulement le temps de la parade. La queue d'attente était interminable, mais cela en valait la peine.
— N'y pense même pas ! s'exclama Luther, en éloignant sa brochette de la main voleuse de Jasper.
— Allez ! J'ai besoin de force pour demain !
Après un long mois de travail acharné, l'examen des Nominations sonnait enfin son heure. Leur ventre se noua en y repensant, mais une forme d'excitation les maintenait en éveil. À six heures tapantes demain matin, s'entamera les sélections finales pour devenir Légionnaires. Ils débuteraient par une évaluation du combat au corps à corps ainsi que de la condition physique, puis de tir dans l'après-midi Le deuxième jour, serait consacré à des épreuves écrites : la stratégie dans la mâtinée, et la survie dans l'après-midi. Le troisième jour, lorsque la Grande Horloge Chronos sonnera à quatre heures de l'après-midi, les résultats seraient dévoilés au grand public tandis que, sur une grande estrade, les Légionnaires naissants recevraient leur médaille par la main du président lui-même. Une cérémonie digne de ce nom pour les futurs défenseurs du pays. Il y avait de quoi en devenir radieux.
Presque la moitié des candidats avaient abandonné après une semaine et demie d'entraînement, emportant avec eux les sanglots nocturnes et la pression constante. Les places disponibles se faisaient plus nombreuses, cependant, l'adversité se faisait également plus rude.
Kyle avait le regard perdu sur les confettis qui tombaient des airs comme des flocons de neige. Cette pluie multicolore lui rappelait la poussière de charbon qui s'abattait sans cesse à la prison Coal. Après toutes ces années, il se souvenait encore de ce cours-là. Installée sur une île minière, la prison était habitée par des résistants famessiens, destinés à purger leur peine en extrayant du charbon qui serait par la suite exporté à Fames pour alimenter les usines. Le savoir piégé là-bas le rendait heureux.
— À quoi tu penses ? lui demanda Stan.
Lorsqu'il lui fit face, il vit ses yeux ambrés posés sur lui.
— À rien en particulier. Je me dis seulement que c'est peut-être la dernière fois que nous allons à la parade en tant que spectateur.
Sa voix lointaine semblait cachée de l'inquiétude, et Stan l'avait remarqué. Comme à leur habitude, Luther et Jasper étaient trop occupés à se chamailler pour prêter attention à eux, alors il en profita pour lui demander :
— Qu'est-ce qui te préoccupe autant ?
Comme toute réponse, Kyle poussa un soupir, comme s'il voulait faire sortir les mots qu'il ne parvenait pas à trouver. Il repensa alors à la rumeur du major de promos qu'il avait entendue dans les douches lors de son arrivée à la base. C'était puéril. Pourtant, le simple fait de s'imaginer loin de sa maison lui donna la nausée.

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PILLAR | T1
Science-FictionDans un monde sombre, un pays dont le peuple était divisé en deux y subsistait. L'un s'appelait Dives. Aussi cupides qu'hypocrites, ils sont les favoris du président Varnahm. Le second s'appelait Fames. Misère et mort les guettaient jusqu'à ce que l...