Chapitre II

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TW : torture, sequestration enfantine.

Les scientifiques et infirmiers passaient devant lui sans qu'il n'y prête attention. Ils avaient toujours cette marche accélérée alors qu'il restait assis sur ce banc, le regard perdu en face de lui, fixant un point imaginaire. C'était comme si le monde tournait trop vite, qu'il ne parvenait pas à suivre à la cadence. Cela lui donnait la sensation de ne pas appartenir à ce laboratoire, à ce monde. Comme s'il était spectateur de ce qui se déroulait devant ses yeux.

Lorsqu'une infirmière passa devant lui à toute allure, Dwayne Miller apparut. Sa peau était bleue. Comme si sa chaleur corporelle s'était envolée. Ses pupilles vides ne pouvait se détachait de lui. Un liquide noir s'écoulait du trou au milieu de son front. Quant à lui, il voulu fermer les yeux, baisser la tête, faire n'importe quoi pour que Dwayne Miller disparaisse. Mais son corps pétrifié ne pouvait faire le moindre mouvement. Ses épaules montait et descendait au même rythme des battements de son cœur affolé. Ses lèvres étaient scellées, ses iris figé.

Puis, quand un scientifique passa à son tour devant ses yeux, il disparu tel un fantôme.

Ses lèvres s'entrouvrirent, permettant à l'air de circuler convenablement dans son corps. Les coudes sur les genoux, il glissa ses doigts dans ses mèches de corbeau et tenta de canaliser ses pensés encombrantes. Ce n'était pas la première fois que l'une de ses victimes venait le rendre visite autre part que dans ses cauchemars.

Les yeux clos, il prit une inspiration.

« Il faut continuer », se dit-il à lui même.

Des mots simples qui lui permettaient toujours de ne pas abandonner, de ne pas quitter ce laboratoire, cette ville, ce pays. Car son absentéisme pouvait avoir des répercutions dévastateur sur la population, il en avait conscience, le professeur Krugman lui avait expliqué. Ses chaînes étaient rattachées à ses murs blanc mais il s'y était fait à l'idée.

— Tu as fait du bon boulot, Pilier.

Quand il releva la tête, le professeur Krugman se tenait là, debout devant lui, sa blouse blanche recouvrant le haut de son corps. Ses lunettes faisaient barrière à ses yeux de couleur miel bordés de cernes, sûrement causés par les centaines de nuits dans lesquelles il favorisait son travail de scientifique plutôt que le sommeil. Son visage était encadré de cheveux fins châtains négligemment brossés sur le côté. 

— Cesse donc de me fusiller du regard, lui reprocha-t-il. Ce n'est tout de même pas ma faute si tu dois tuer tous ces gens. 

Il concéda à sa remarque et baissa les yeux. Après tout, ce n'était pas lui qui l'avait obligé à appuyer sur la détente. Il n'était pas non plus celui qui avait mis cette balle dans la chambre. Mais y avait-il vraiment quelqu'un derrière tous ces meurtres ? Ou bien était-il le seul responsable à blâmer ? La réponse à toutes ses questions se cachait derrière son amnésie, il en était convaincu. Mais un mur immense lui barrait la route vers la vérité. 

Cette idée le frustrait, mais il ne pouvait rien y changer. 

— Tu dois te résoudre à être un monstre pour ses gens et un héros pour Dives. 

Ses paroles résonnaient avec un semblant de compassion qu'il ne saurait qualifier d'authentique ou d'hypocrite. Mais qu'importe. Le professeur Krugman répartit, le laissant se noyer à nouveau dans les méandres de son esprit. 

Un monstre, un héros... Ces deux rôles contradictoires le firent douter de son rôle à jouer au sein de Thémis. Il détruisait un peuple pour en préserver un autre, mais était-ce là la bonne solution ? Un sens du sacrifice tragiquement tourmenté par un devoir trouble. 

PILLAR | T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant