Les Voix du silence

Jour 27 : L'angoisse

Un, deux, trois, quatre, cinq...

Se détendre, respirer

Ne jamais angoisser.

Les musiciens ont tous des rituels avant de se produire devant les gens. Une angoisse trop importante peut gâcher une prestation.

Contrairement à ce que ma mère disait, l'angoisse n'est jamais bénéfique. Elle est monstrueuse.

Mes angoisses ne me quittent jamais. Elles m'attrapent par la gorge et m'empêchent de respirer au moment où j'ai besoin de respirer.

Quand ma voiture a percuté celle de Carl Locus, mon cœur m'a menacé.

Il n'était pas au courant de la maladie qui a touché mes cordes vocales, notre contrat a pris fin avant qu'elle ne se déclare. En revanche, il savait pourquoi j'étais seule dans ma voiture, et a osé s'excuser pour la mort de ma mère.

Cela m'a provoqué une angoisse telle que jamais je n'en avait éprouvé auparavant. Il n'avait pas le droit. Il ne pouvait pas être désolé de ce que la vie m'avait infligé.

Ma vie est un véritable désastre. C'est l'univers au complet qui se joue de moi. Les anges m'ont laissé tomber. Je suis seule, mais je ne suis pas née ainsi.

C'est cet homme qui m'a plongé dans ce cauchemar. Il m'a volé ma mère, mon amour, tout ce que j'étais.

Alors non, je refuse qu'il soit désolé.

Mais je ne peux lui dire, les mots s'évaporent dans l'infini silence qui comble ma vie. Il est devant moi, il me regarde.
Et l'angoisse m'arrache les entrailles.

Ma main tremble tandis que j'écris sur mon carnet pour répondre à ses questions. Je voudrais arracher tout ce papier et lui jeter à la figure en hurlant mes plus violentes injures. Mais c'est comme si j'étais figée dans le temps, accrochée à mon rêve d'avant, accrochée à son bras comme si jamais notre contrat avait pris fin.

Accrochée à la tête du lit comme si souvent je l'ai été par sa faute.

Enfin. Je m'enfuis. Et je me fais la promesse de ne plus jamais entrer dans une voiture.

Mais n'ayez crainte, je ne ferai pas le moindre bruit, la discrétion me réussit bien mieux.