Les Voix du silence

Jour 30 : Chère Maman

Le trentième jour.
Je me libère de ma maison depuis trente jours.
Trente jours, cela devrait être suffisant pour un homme, suffisant pour se reconstruire.

Mais rien n'y fait.
Je ne m'en sors pas.

Mon coeur entier est éparpillé sur le sol. La bougie vacille tandis que l'horloge tourne à une vitesse irrégulière, rapidement quand je suis heureuse, lentement quand je souffre.

Tandis que le souvenir de ma mère m'obsède, je me contente de piétiner mon coeur à coup de « félicitations Alice, tu as mérité cette vie ».

« Tu as mérité cette vie ».

Non, personne ne mérite ça, pas même Monsieur Locus.

Maman, j'aurai aimé que tu penses à rallumer la lumière avant de partir, j'ai passé suffisamment de temps dans le noir. Le noir profond, le noir impénétrable, le noir étouffant.
Le noir des enfers, dans lequel Monsieur Locus me plongeait, chaque fois que tu avais le dos tourné.

Et tu tournais le dos tellement souvent.

C'est le trentième jour, cela devrait être suffisant pour homme, suffisant pour se reconstruire.

Mais rien n'y fait.

Je ne m'en remettrais peut-être jamais.

Chère Maman, comment le vis-tu ? Sais-tu aujourd'hui que j'avais raison ? Que jamais je n'ai menti ?
Vois-tu le mal qui nous entourait ? Ressens-tu la peur que j'ai ressenti pendant tant d'années par sa faute ?

Par ta faute, puisque par amour, tu as fermé les yeux.

Chère maman, je ne suis pas prête de te pardonner, mais je ne peux le dire à voix haute, car je suis trop triste.

Je suis trop triste. Je me sens telle une inconnue, un imposteur, une criminelle.
Je persiste à avaler ce morceau de bois qui m'arrache les entrailles, parce que je préfère continuer à souffrir que de me confronter à ma peur.

Je n'ai aucun courage.

Ma chère Maman, j'espère que tu es capable, où tu es, de voir que ta fille est détruite, et que tu n'aimes plus cela comme tu l'aimais avant.