Les Voix du silence

Jour 12 : Le fauteuil du salon

J'écrivais dans le salon, assise près du feu malgré la chaleur. Le papier était légèrement froissé, comme un coeur lors d'un voyage en solitaire.

J'écrivais une chanson, une chanson qui parlait d'amour, de feu et de passion. Une chanson que je ne chanterai jamais.

Elle faisait écho à la chanson la plus écoutée parmi celle en collaboration avec monsieur Locus. Une chanson pleine de chaleur, de feu et d'émotions.

Je ne l'avais pas écrite, quelqu'un l'avait fait pour moi. Et selon moi, je n'arrivais pas à la chanter convenablement, puisque jamais je n'avais su ce que l'on ressentait quand notre coeur se mettait à battre pour quelqu'un d'autre.

Mon coeur n'a fait que des voyages en solitaire.

Cependant, mon public a adoré cette chanson, bien plus que moi. Elle a fait exploser les compteurs de ventes de billets pour mes concerts.

Je suis triste de savoir que je suis célèbre grâce à une chanson que je déteste.

Après sa sortie, je suis rentrée chez moi avec la gueule de bois. J'avais dû m'imbiber d'alcool pour réussir à la chanter en public. Ma mère n'a rien dit.

Pas le moindre mot.

Ce silence, ce satané silence m'a arraché les tripes.

Pour la première fois, je me suis sentie muette.

L'amour, c'est un piège qui prive un individu de sa voix. Il se sent obligé de penser par quelqu'un d'autre, et de parler en pensant à cet autre.

Jamais je n'ai voulu m'infliger ce supplice. J'avais ma propre voix et mes propres mots. Je ne pouvais m'en priver.

Ma mère n'a jamais réfléchi de la sorte. Peut-être que son amour pour Monsieur Locus était trop puissant pour être raisonnable. Mais en l'aimant, elle m'a privé de vie.

Et jamais je n'ai su utiliser mes mots pour lui exprimer cela.

Mais n'ayez crainte, je ne ferai pas le moindre bruit, ainsi, je ne vous dérangerai pas.