Chapitre 12

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D'un œil sévère, le directeur me fixe avant de demander d'une voix sèche :

-Alors ? Qu'avez-vous à dire pour votre défense ?
-Je... J'ai...

Je réfléchis à toute vitesse, puis réponds la première chose qui me passe par la tête :

-J'ai encore rêvé du passé... J'ai pris peur et je suis sortie dans la rue pour vérifier que tout était normal, et j'ai oublié mon téléphone et je suis partie trop loin de l'hôtel et je me suis perdue...

S'il ne me croit pas, il n'en laisse rien paraître, ce qui est étrange car mon excuse n'est pas des plus convaincantes.

-Je ne pensais pas que cela arriverait si tôt. C'est problématique...

Il se caresse la barbe du bout des doigts, puis reprend :

-Je vous réserve un rendez-vous pour ce soir. Vous n'aurez les résultats qu'en fin de semaine, aussi ni votre stage ni vos potentielles obligations personnelles venant après ce dernier ne seront perturbés.
-Vous pensez que j'ai une maladie ? Demandé-je d'une voix faussement apeurée.
-Je n'en sais rien. En attendant, mettez-vous au travail, vous avez pris suffisamment de retard comme cela. Adressez-vous au guichet de l'entrée pour en savoir plus sur votre poste. Tous les matins, vous devrez faire cela à 6h00, précise-t-il en me regardant dans les yeux.
-Oui, dis-je avec un faible sourire.
-A plus tard, me congédie-t-il.

Je sors et me rends comme il l'a demandé au bureau de la secrétaire.
Pensant que l'amabilité ne pourra que me porter chance, je m'adresse à la femme avec un grand sourire.

-Bonjour ! Pourriez-vous m'indiquer ce que je suis censée faire aujourd'hui ?
Elle baisse ses lunettes et me demande si c'est moi qui ai ramené un cheval.
Gênée, je suis bien forcée d'acquiescer, puis elle me met en garde :

-Veillez à ne pas arriver en retard trop souvent. Personne n'a intérêt à mettre le chef en colère.

Je la regarde, curieuse, quand elle reprend :

-Vous ne voulez même pas savoir.
Enfin, ce n'est pas ce qui nous occupe aujourd'hui ! Vous allez aider la BAR à patrouiller pour « nettoyer la ville ». Ça non plus, vous ne voulez pas savoir, affirme-t-elle sous mes yeux inquisiteurs.
-... d'accord.
-En attendant, et car il n'est que 8h00 et que vous ne les rejoindrez qu'à la pause de 8h30, vous allez m'aider à trier le courrier.

Elle me désigne une pile, puis une autre, et enfin une dernière, et me dit :

-Celle là, c'est le courrier non lu. Ici, il y a les lettres importantes et dans la dernière, il y a toutes celles que l'on va jeter. Si certaines portent une inscription « confidentiel » vous me les donnez, compris ? Si elles sont ouvertes ou qu'il en manque, je saurai que c'est vous.
-OK.
-Vous apprenez vite, on dirait. C'est une qualité essentielle ici.
-...
-Au travail.

Pendant une demi heure, j'ouvre, je lis, je jette, je retourne pour voir s'il n'y a pas le nom de l'expéditeur-dont-le-nom-me-restera-inconnu-car-IL-A-OUBLIE-DE-LE-NOTER-CE-DEBILE !!!
Lorsqu'enfin la secrétaire me tapote l'épaule et que je vois rentrer un groupe de personnes habillées tout en bleu, je soupire de soulagement et laisse retomber la lettre que je m'apprêtais à décacheter -la 28è au moins.
Je me lève et m'apprête à partir en direction d'un distributeur de nourriture et de boissons quand une main surgit devant moi, tenant ce qui ressemble à... du fondant au chocolat ?! Je lève lentement les yeux et découvre que cette main appartient à ma nouvelle amie.

-Tiens, me dit-elle, c'est pour me faire pardonner de ne pas avoir frappé à la porte tout à l'heure.
-HA. HA. HA. je réponds en lui prenant le gâteau des mains pour croquer à pleines dents dedans et sentir le doux arôme du chocolat m'emplir la bouche.
-Il est maison, précise-t-elle.
-Mhhhhhhh... je crois que tu es pardonnée, marmonnai-je en souriant malgré tout.

On marche quelque temps dans les couloirs et on arrive dans une salle aux murs de couleur claire, une fontaine ruisselant en son centre, des sofas disposés autour. Il y circule de l'air frais et j'ai l'impression d'être dehors. La seule différence, c'est que dehors ça ne paraît pas aussi... industriel.
On s'asseoit et je lui demande :

-Qu'est-ce qu'on fait, dans la rue ? C'est violent ?

Elle blêmit.

-Tu as été affectée à la BAR ?
-La réceptionniste a utilisé ce terme, oui. Mais je ne sais pas en quoi ça consiste.
-Tu le découvriras bien assez tôt.

*

-Bon, hurle la cheffe de patrouille pour couvrir le bruit du vent qui mugit, visiblement il y a eu un sabotage aux bureaux de la météo (normalement il fait toujours le temps qu'on veut, et nous ne décidons jamais de créer des rafales pareilles). On va y aller discrètement et si vous apercevez les imposteurs, vous les scannez, OK ? Je ne veux pas d'émeute, pas de sang, sauf si une vie est en danger. Auquel cas vous limitez les dégâts. Compris ?

-Oui, Nen', répondent les autres.
-Oui, Mme Crisp, réponds-je une seconde en retard.

Elle s'appelle Nena (comme le groupe de musique!) Crisp, mais les autres, qui ont l'air de la connaître, s'autorisent un familier « Nen' ».

-Eh, me prend-elle à part alors que tout le monde s'équipe, si tu veux t'intégrer, il va déjà falloir que tu sois un peu moins coincée. Ceux-là, dit-elle en désignant le groupe, ne sont pas plus proches de moi que toi. Ils ont juste compris comment ça marche.
-...
-Prépare-toi. On part dans 5 minutes. Tu suis le groupe et à part un scan, tu ne fais rien sans que je te l'aie expressément ordonné. Tu ne prends pas d'initiative ; c'est ta première fois, alors contente-toi de copier et tout ira bien....

Je me sens pleinement sereine.

Ah oui : un scan, c'est le fait de passer tout ou partie d'un corps à travers un scanner portable qui détecte les os, les vaisseaux sanguins, les organes, tout, et enregistre ça en une fraction de seconde. Ça te donne une image en 3D de la zone scannée, que tu peux décomposer comme tu le souhaites. La plupart des nouveaux scanners font aussi détecteurs, c'est à dire qu'ils comparent les résultats des scans avec les archives (qui comptent tous les scans déjà réalisés) et ça permet de savoir qui est l'objet du scan.
C'est le moyen le plus efficace qu'on ait de ficher les gens, et à ce jour c'est impossible à contrefaire.
... J'ai la gorge nouée rien qu'à l'idée de tenir dans mes mains le truc qui pourrait étouffer mes recherches dans l'œuf.

Comme les deux ailes d'un papillon (Anna)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant