Chapitre 11

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Je m'étire en grognant.
Je suis tellement épuisée...
Quelle heure est-il, d'ailleurs ?
A tâtons, je cherche mon réveil à côté de mon lit. Je ne le trouve pas, et c'est bizarre car je n'ai pas l'impression non plus d'être dans mon lit...
Dans quoi me suis-je encore fourrée ?Agacée, et déjà fatiguée par la journée à venir, j'ouvre les yeux.
Je les referme aussitôt, assaillie par les dizaines de points lumineux qui dansent dans ma rétine.
Il n'y a jamais autant de soleil dans ma chambre...
Cependant je n'ai pas le choix, je dois me réveiller, alors je décompte :

-Trois... deux... un...

Je soulève lentement les paupières.
Au-dessus de moi, le ciel.
Un ciel pur, sans nuages, comme s'il avait deviné qu'ajouter ses problèmes aux miens n'améliorerait en rien la situation, ni pour lui ni pour moi ni même pour le restant du monde.
Le soleil brille et l'air est frais, vivifiant.
Je me demande si dans un autre système solaire, avec une autre étoile, sur une toute autre planète habitée par de tout autres habitants, ils ont tout gâché, comme nous.
Est-ce qu'eux aussi se réveillent en se demandant pourquoi une forme de vie disparue depuis des siècles est penchée sur eux, avant de se rappeler que ce n'est qu'un générateur de dioxygène ?
Est-ce que leur bonheur est comme un tas de grains de sable, lui aussi ?Qui vous réchauffe les mains avant de s'envoler, porté par la brise ?
Ou est-ce qu'au contraire ils ouvrent les yeux avec un sourire aux lèvres, réveillés par le chant d'oiseaux que je ne verrai jamais puis profitent d'un petit déjeuner qu'ils tirent de la nature ?
Est-ce qu'ensuite ils s'allongent dans de vertes prairies, et écoutent le bruit du vent ?
Le bruit d'un vent qui les emporte, eux avec leurs grains de sable chaud dans les mains ?
Volent-ils... Ou sont-ils au final aussi terre-à-terre que nous, à ne se lever le matin que pour mieux se coucher le soir ?
Je devrais cesser de penser à tout cela. Ça ne m'aide en rien d'imaginer ce que j'aurais pu vivre, ce que j'aurais pu être si ces salopards n'avaient pas été obsédés par la guerre.
Je leur en veux, je souffre et je maudis ma vie, mais au fond ça ne change rien.
Je suis la seule actrice de ma propre vie.

-Mais... tôt ou tard, il te faudra démêler les fils du passé si tu veux reconstruire le futur.

Je sursaute, me retourne.
D'où vient cette voix ? Je suis sûre de l'avoir déjà entendue !

-Liz ?! Mais tu m'as fichu une de ces trouilles ! On ne t'a jamais appris à toquer ?
-...Pas quand il n'y a pas de porte, non, répond-elle, hilare.

Il s'écoule quelques secondes, puis j'éclate de rire, surprise par la crédulité de ce que je viens de sortir.

-Non, mais, à part ça, reprends-je en tâchant de reprendre mon souffle, tu peux t'annoncer quand tu arrives ? S'il te plaît ?

Elle soupire.

-Oui, Votre Majesté, dit-elle en faisant la révérence, un sourire au coin des lèvres.
-Bon. Et sinon, ... Pourquoi tu es ici ? Comment tu m'as trouvée ? Et que dois-je déduire de ce que tu m'as dit ? Fouiller le passé ? Quel passé ? Pourquoi ?

Elle lève les mains en signe d'apaisement.

-Duuu calme. Une question à la fois, s'il te plaît.
Déjà, je suis là parce que tu devrais TOI normalement te trouver au siège de la MRD vu qu'il est 7h42 et que tu as précisément 102 minutes de retard pour ton premier jour de stage. Ensuite, ce n'était pas difficile puisque ton cheval avait les sabots boueux et que tu as eu la bonne idée de sortir APRÈS le nettoyage des rues. Ce n'était pas la tactique à adopter si tu ne voulais pas qu'on puisse te retrouver. Et, pour répondre à tes deux dernières questions, je suis au courant de pas mal de choses. Dont tes rêves, et ce qu'il faut faire pour leur trouver un sens et potentiellement une utilité. Je ne te le dirai pas, précise-t-elle en apercevant mon regard suppliant. Le passé ne peut être découvert que par une personne puissante, ce que tu es visiblement, et sache que les rêves et leur signification ne sont rien en comparaison de ce qui viendra après. Si tu ne peux affronter cela seule, comme te débrouilleras-tu lorsque je ne pourrai plus t'aider ? Je regrette, mais tu ne pourras compter que sur toi-même lors de ta quête de la vérité.

-... D'accord. Je crois que je comprends. Mais comment as-tu su à quoi est-ce que je pensais ?
-Ah, ça...
-Tu... tu n'es pas télépathe, au moins ? Je me risque à lui demander.

Elle laisse échapper un petit rire.

-Non. Ça n'arrive que dans les romans de Shannon Messenger que tu lis le soir.
Disons simplement que se renseigner sur une personne et observer son comportement permet d'en apprendre beaucoup sur elle. Et je suis douée pour ça.
-OK. Donc je suis censée ne pas m'inquiéter alors qu'une humanoïde que je connais à peine et qui travaille pour la MRD débarque dans le parc où j'ai dormi, me sort une phrase bizarre et puis m'annonce avoir enquêté sur moi ?
-Non. Tu peux carrément t'inquiéter si tu veux, c'est même comme ça que réagirait une personne normale ! Me répond-elle en souriant.
-Mais je ne suis pas une personne normale, je réplique en souriant moi aussi, puis je rajoute, lui tendant la main :

-Je propose qu'on reprenne depuis les bases.
-Enchantée, dit-elle en me serrant la main. Je m'appelle Teuz.
-Et moi Sonneuz !

Elle rigole.

-OK. Moi c'est Liz. A mon grand dam, je travaille pour la MRD, et comme tu as pu le constater, j'aime m'incruster dans la vie des gens qui me paraissent fous. Comme toi !
-...D'accord. Je m'appelle Anna Rise, mais tu peux juste m'appeler Na parce que je suis têtue. Est-ce que tu me jures que je peux te faire confiance ? Ma vie est une vraie poubelle, je te préviens ; si tu prends mon amitié, tu prends tous mes ennuis avec.

Elle me détaille d'un œil critique, alors je me permets de faire de même.
Un carré plongeant de cheveux blonds et un bonnet vert fluo enfoncé sur la tête, assorti à son cargo, lui donnent un air décontracté contredit par son T-Shirt noir XXL où l'on peut lire cousu en lettres blanches :« I am ME. YOU are just DUMB. »
C'est la première fois de ma vie que je rencontre un robot rebelle.
C'est... étonnant.
Enfin, je suppose que personne là-bas ne connaît l'anglais.
Je m'apprête à lui demander confirmation quand ses yeux noirs fixent les miens intensément, avant qu'elle prenne la parole :

-Je te le jure. Mais si tu veux mon amitié à moi, ajoute-t-elle, malicieuse, tu prendras ma folie avec !

Je souris.

-Entendu.

Comme les deux ailes d'un papillon (Anna)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant