Comme les deux ailes d'un papillon (Anna)

- XIII -

-Tout le monde est prêt ?
-Oui, Nen, répondent-ils, ma voix ajoutée au chœur cette fois-ci.

Elle me regarde en acquiesçant. Message reçu ; je dois continuer comme cela.

-Parfait. Mettez-vous en rang deux par deux. La nouvelle...

Je la coupe.

-Anna.
-Oui. Tu viens avec moi.

Tout le monde me dévisage. Ça ne doit pas être dans ses habitudes de prendre des gens dans son équipe...
Je lui jette un regard surpris, mais d'un œil réprobateur elle me décourage de poser la question qui me brûle les lèvres :
Pourquoi ? Tout le monde va par paires, certes, mais la capitaine est censé diriger l'équipe, pas aider une novice à s'intégrer !
Elle reprend :

-On va y aller. Regardez le point rouge sur vos cartes holographiques ; c'est notre objectif. Chaque groupe s'est vu attribuer un itinéraire différent, tracé en jaune. Comme d'habitude. Quand vous êtes prêts, go !

Personne ne bouge. Elle répète :

-GO !

Un silence gênant suit son cri teinté d'impatience, et elle fronce les sourcils.

-Bon, qu'est-ce que vous attendez ?Quelqu'un prend enfin la parole. Un rouquin.

-Ecoute, Nen, c'est bien gentil tout ça, TU es bien gentille, mais nous ne sommes pas d'accord avec la démarche de la MRD. On est tous les habitants de la même planète ! Pourquoi les animaux seraient moins légitimes que nous pour vivre ici ?Elle écarquille les yeux.
-Vous ! Je savais que vous étiez louches !

Elle sort son pistolet.

-Ne bougez pas ou je tire !

Il a un petit rire, puis lui rétorque :

-Moi je n'ai pas besoin de bouger.

Soudain, un éclair doré passe derrière Nena, avant de lui sauter dessus pour la plaquer au sol. C'est une fille blonde, d'une vingtaine d'années je pense, aux yeux vairons.

-Max, dit-elle en s'adressant au jeune homme roux, emmène-la au repaire, s'il te plaît.

Elle a visiblement de l'autorité, car il s'exécute sans rechigner alors même qu'il n'a pas l'air DU TOUT d'avoir envie de bouger.
Lorsqu'il lui a ligoté les mains et les pieds, il la jette sur son épaule et part en trottinant, exhibant ses bras et ses mollets musclés.
Je ne peux m'empêcher de pousser un soupir dégoûté face aux yeux admirateurs qui papillonnent autour de sa silhouette.
Il n'est même pas vraiment musclé ! A tous les coups, c'est juste un mec de plus à s'être développé les muscles avec de l'ersatz... Lorsqu'il a disparu, la blonde se tourne vers moi.

-Charlie, me dit elle en me serrant la main. Enchantée.
-De même, réponds-je, surprise par cette soudaine proximité alors que depuis le début ils semblaient me fuir comme la peste.
-Tu es Anna, c'est ça ? Me demande-t-elle, puis sans me laisser le temps de répondre elle reprend :
-On voulait te demander de rejoindre notre mouvement. Si tu refuses...

Elle se mord la lèvre.

-On devra te forcer à nous suivre, puis tu nous aideras. De gré ou de force.
Mais si tu acceptes, tu seras libre, bien que de grandes choses pèseront sur tes épaules. Tu comprends bien que si tu divulgues notre secret, nous serons en danger, alors tu devras jurer par le sang si tu veux qu'on te fasse confiance. Ne t'inquiète pas, on fera des analyses avant pour ne pas te transmettre de maladies ou de saletés de ce style.
Si tu trahis ce serment, on se verra forcé de t'administrer une punition exemplaire, dont tu ne VEUX PAS connaître la teneur pour le moment, je t'assure.Tu comprends pourquoi on doit faire ça, n'est-ce pas ?

Elle semble sincèrement soucieuse de moi, ce qui me surprend.

-Oui, je comprends.
-Merci, dit-elle avec un sourire. Tu jureras une fois arrivée au repaire, mais pour l'instant je vais juste te demander de répondre solennellement à ma question.
... Anna Rise, veux-tu rejoindre les rebelles ? Jures-tu de toujours agir pour le bien de notre Terre et de ses habitants, et non pour celui de l'être Humain exclusivement ?

Je m'apprête à promettre, quand je sens une vision imminente me jeter un voile sur les yeux, et sans réfléchir, je crie :

-NON ! Pas ça...

Je me vois, de dos, marchant dans le désert pieds nus, Amphitrite à côté de moi.
C'est donc par ici que je vais me rendre ?
Ma silhouette se redresse soudainement, alors j'en cherche l'origine. Lorsque je la trouve, je ravale un hoquet de stupeur : quelqu'un d'autre se dirige à grands pas vers la moi du futur !
Cette personne est, elle aussi, de dos, et s'apprête à se retourner quand une voix retentit :

-Anna !

Pourquoi est-ce que la moi du futur ne se retourne pas ?
J'ai la réponse lorsque je sens quelqu'un me secouer l'épaule.
J'ouvre les yeux et retiens un gémissement de désespoir en remarquant que je suis allongée sur les genoux du dénommé Max. Il était pas parti avec Nena, lui ?!
Et pourquoi je suis là ? N'aurait-il pas pu me laisser par terre ?

-Ça va ? Me demande-t-il en caressant mes cheveux.

Je rougis. Pour qui se prend-il ? Je ne suis pas sa copine, je ne suis même pas une connaissance, juste quelqu'un qui le trouve totalement ridicule. Depuis quand on caresse les cheveux des gens qui nous trouvent ridicules, je vous le demande ?

-Ça irait mieux si tu enlevais tes doigts de là, dis-je d'une traite.

Un sourire amusé sur les lèvres, il lève les mains.

-Ça va ? Redemande-t-il.
-Oui, je marmonne.
-Cool. Hé, c'était quoi ce que tu nous a fait ?

Je réponds par une autre question.

-Et toi, pourquoi tu es là maintenant ? T'étais pas censé aller enfermer Nena ?
-Ben j'ai fini.

Je décide de bluffer pour tenter d'en apprendre plus sur leur organisation.

-Déjà ? Je ne te crois pas, dis-je, butée, en croisant les bras. Charlie m'a dit que votre repère était à plusieurs kilomètres de là !

Il éclate de rire.

-OK. Je vais te dire la vérité.