Chapitre 5

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Les jours passent, les uns après les autres. Un clignement d'œil, et voilà que c'est déjà l'hiver.
Les maisons aux toits blancs donnent à cette période de l'année une ambiance particulière, et galoper à bride abattue dans les déserts enneigés-le climat est si déréglé que nous passons de la neige à la canicule en une journée parfois..-est presque une routine en janvier, tant ça me fait du bien de me sentir vivante, en communion avec Amphitrite.
Ma jument est une petite étincelle, et la seule raison pour laquelle elle reste avec moi est que je la respecte. Je la respecte pour qui elle est et nous sommes amies car elle aussi me respecte pour qui je suis. Elle est libre de partir mais elle reste car ici elle est aimée.
Les chevaux sont les seuls animaux qui n'ont pas été exterminés. Je n'ai jamais vraiment compris pourquoi. Peut être leur trouvait on un air noble ?
Je ne le saurai peut-être jamais, mais Amphitrite est mon miracle et je remercie les étoiles chaque jour de l'avoir mise sur cette Terre. J'aurais pu inventer l'eau déshydratée ou le fil à couper le pain, mais non. Mon miracle est une jument qui m'ensoleille tous les jours de l'année.

... Il n'y a à mes yeux rien de plus beau que l'amitié qui nous lie.

*
Le mois prochain, je vais faire mon stage chez la MRD. Lorsqu'il a appris la nouvelle, mon père était très étonné. Il pensait que je me débrouillerais pour ne pas faire de stage, ou en tout cas certainement pas là-bas. Eh bien il se trompait. En ce moment j'ai si hâte d'y aller, pour découvrir enfin ce qu'on nous cache à tous !
Enfin. Je dis ça comme si je savais ce que j'allais faire une fois là-bas, ce qui n'est absolument pas le cas. Je n'ai jamais enquêté sur un complot mondial comme cela va être le cas. Le seul mystère que je résous quotidiennement, c'est la cachette de mss chaussettes.
Je devrai donc improviser, comme je le fais depuis que j'ai compris qu'on nous mentait.

En attendant, je dois aussi travailler mon piano. Je joue sur un instrument en acajou que ma tante avait fabriqué elle même. Lorsqu'elle avait du temps libre, elle aimait se prendre pour un inventeur et un savant fou. Elle était vraiment douée pour ça.
Elle m'a fabriqué des dizaines de codex, auxquels elle rajoutait sa petite touche magique, ainsi que plusieurs sérums de son invention, pour soigner des choses aussi variées que les chagrins d'amour et les rhumes.
Mon morceau de piano est une adaptation (faite par moi même) de Shivers, une chanson d'Ed Sheeran (un très vieil artiste) que j'adore. Quand je l'écoute, je me sens... Moi. C'est indescriptible comme sentiment.
En tout cas je l'ai réadaptée pour le piano, et j'adore le résultat. Ça me correspond parfaitement.

Je m'installe donc sur le siège de velours, et je commence à jouer.
Je me laisse entraîner par la mélodie, mes doigts volent au-dessus des touches, comme des hirondelles au retour du printemps (j'ai lu dans les livres qu'elles virevoltaient gaiement en sifflant) ... c'est magique.

Soudain, mon père m'appelle. Il semble inquiet, et j'envisage de le laisser me supplier de venir le débarrasser (car je suppose qu'il s'agit de quelque chose dans ce style) de ce qui lui fait peur, mais quelque chose dans le timbre de sa voix m'encourage à ne pas le contrarier.
Je suis donc le fil de sa voix, et le trouve... dans le labo !
Que fait-il là ? Je ne l'ai vu ici qu'une fois, quand il est revenu à la maison et voulait à tout prix se faire pardonner. Il m'avait suivie et je croyais que ce qu'il avait vu l'avait découragé de revenir ici à jamais.
... Visiblement je m'étais trompée.
En me voyant arriver, il m'apostrophe vertement :
-Qu'est-ce que c'est que ÇA ?
Il désigne le pot en argile et la petite plante qui pousse dedans.
-Salut, papa.
-Anna Rise, qu'est-ce que c'est que ça ?
-Justement, je voulais t'en parler et...
-QU'EST-CE QUE C'EST QUE ÇA ?
-... Une plante.
-Ne sais-tu rien de nos lois ?! Tu risques la mort si quelqu'un découvre... cette chose !
-Ce n'est PAS une chose, papa ! C'est un être vivant, comme toi et moi !
-N'as-tu rien appris en HMT ?! Elle est dangereuse pour nous ! Je devrais te dénoncer sur-le-champ à la MRD que tu ne reproduises rien de ce genre !
-Mais tu ne le feras pas.
-AH OUI ? Et pourquoi pas ?
-Parce que merde, papa ! Tu sais très bien qu'il se passe quelque chose de bizarre et tu ne me juges pas assez responsable ou grande ou je ne sais quoi pour m'en parler ! Et je suis même convaincue que c'est pour ça que tu m'as abandonnée quand maman est morte. Pour faire des recherches de ton côté.
-... Abandonnée ?
-Oui, TU SAIS, cet acte de lâcheté que je te fais croire t'avoir pardonné.
-Je...monte dans ta chambre.
-Alors c'est comme ça ? Tu te défiles, papa ? C'est bien, bravo !
Et le coup de grâce :
-Maman doit être fière de toi !
-Monte dans chambre.... il répète en sanglotant.
Aouch.
J'y suis peut-être allée un peu fort ?


Comme les deux ailes d'un papillon (Anna)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant