Chapitre 13

49 16 2
                                    

«—Je vais à l'hôpital demain pour enlever mes points de suture. Jin me laisse la journée. Je viendrai te voir et tu m'expliqueras.

Merci Yoongi.

—Ne te torture pas trop, fais attention à toi. Ne panique pas, je suis sûr que quoi qu'il se soit passé, tout va s'arranger.

—Oh non, si tu savais.»

Hier, notre appel s'est coupé sur ce sanglot étouffé, sans plus d'indices sur ce qui tourmentait Taehyung. L'inquiétude a monopolisé ma nuit; chaque état de somnolence s'entrecoupait d'intenses séances de réflexions où je créais tous les scénarios possibles et imaginables. J'étais pressé de le voir et de prendre connaissance de l'ampleur de ses bêtises. Quand il dit qu'il a fait une connerie, il ne ment jamais. Il n'est pas une personne à problème, mais quand il trouve le moyen de se fourrer dans un bourbier, il ne fait généralement pas semblant. À l'hôpital, mes jambes tressautent à tour de rôle dans un bruit répétitif qui agace mon voisin de siège. Lorsque mon tour arrive, je veux presser le monsieur en blouse pour pouvoir m'échapper le plus vite possible. Je n'aime pas les hôpitaux et j'ai mieux à faire. Deux raisons qui me donnent envie de foutre le camp depuis une bonne demi-heure. Quand je parviens enfin à quitter cet endroit de malheur, je conduis en vitesse jusqu'au studio de mon cadet. Je ne sais pas vraiment dans quel état je vais le retrouver ; je ne le connais plus assez pour être certain qu'il aille bien. Je passe la double porte du bâtiment, cette fois sans craindre de me faire tordre en deux par un vigile, et je demande à la secrétaire, tout en faisant attention à ses réactions –on ne sait jamais– où trouver le photographe. Elle m'indique la pièce du fond au quatrième d'un air inquiet, et me conseille à demi-voix d'attendre un instant avant de monter.

«—Il risque de ne pas vous accueillir les bras ouverts. On s'inquiète tous un petit peu pour lui, mais personne n'ose le déranger

—Ne vous en faites pas. Je m'occupe de lui.»

Je la quitte. Elle m'adresse un "Bon courage" sincère. Je grimpe les étages avec rapidité. Le dernier est presque vide. Je toque à la porte, sans réponse.

« —Taehyung ? »

Un énorme fracas me répond. J'entre sans plus de cérémonie et hoquette. Tout est sens dessus dessous. Les meubles et les objets sont jetés pêle-mêle dans le chaos le plus total. Taehyung tourbillonne dans le désordre comme une tornade: il lance, il casse, et parfois il s'arrête pour prendre une photo. Il ne fait pas attention à moi, il ne m'a pas vu, il ne m'a pas entendu. Piégé dans sa propre tête, je ne sais même pas s'il a conscience de ce qu'il fait. Soudain, il se fige et se laisse tomber à genoux devant l'œuvre de sa folie. Qui est le plus brisé dans ce tableau désastreux ? Le fouillis qu'il s'obstine à photographier ou lui, dont le sanglot brusque déchire le silence ?

«—Toc, toc, petit ours. Me laisses-tu entrer dans ta demeure ?» Il sursaute imperceptiblement et essuie ses joues.

«—Peut-être, monsieur le chat.» Répond-il d'un ton tremblant. «Uniquement si tu as un bonbon à me proposer.

—Fichtre alors, je pensais que tu préférais le chocolat!

—Alors qu'attends-tu pour me prendre dans tes bras ?»

Je souris, attendris. Il s'en souvient. C'était comme ça que j'ouvrais sa coquille, enfant, quand il s'isolait pour pleurer. Ça lui arrivait très souvent; Taehyung avait souvent besoin d'évacuer l'accumulation de ses émotions. Dans ces instants de fragilité, rares étaient ceux pouvant établir le contact: il refusait qu'on lui parle, qu'on le touche, qu'on le force à rejoindre la foule. J'avais créé ma petite technique. Comme nous en avions l'habitude, je m'approche en lui offrant une sucrerie avant de passer un bras au-dessus de son épaule.

Born Singer [YoonMin]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant