Chapitre 38

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« —Alors, c'est le grand jour?

—Ouais. Bang nous donne le feu vert, mon retour excite assez les fans pour faire barrage à une baisse dans les chiffres d'affaires. Bien sûr, ce n'est que théorique. Ça passe où ça casse. »

Dans la loge, partageant un sandwich avec Hoseok, je me prépare mentalement à l'annonce fracassante de mon couple. Je ne sais même pas comment amener le sujet: « Salut, en fait je sors avec Park Jimin. Allez, à plus. » Non, définitivement pas. Je vais devoir improviser.

Demain soir, nous partons pour Busan. Jimin nous accompagnera. Nous fuirons l'agitation que provoquera ce concert. Krokmou restera avec Jin jusqu'à son retour. Le pauvre mannequin devra subir les médias tout seul à Séoul. J'angoisse de ne pas pouvoir l'en protéger. Et si les paparazzis le prenaient en grippe ? Et si les journalistes l'agressaient ? Ça me tourmente. Mais nous en avons assez de nous cacher. Nous avons besoin de vivre sans secret, sans avoir peur d'être surpris. Je veux pouvoir l'embrasser librement, l'emmener nous promener dans la rue sans apparaître aux infos le soir.

Je dois mettre toutes ces questions en pause lorsque nous montons sur scène. Le deuxième soir est aussi bruyant que le premier. La foule est en délire, agitée. Comme une mer d'étoiles scintillantes, les lampes torches dansent dans l'obscurité et s'abattent en rythme dans une gigantesque vague. À la seconde où le morceau débute, je ne suis plus qu'un corps animé par l'adrénaline. « La scène m'appartient, je suis la scène, » comme dirait Namjoon lorsqu'il joue au maître Yoda. Le plaisir de chanter est intense. Les milliers de voix qui me suivent avec témérité sont un coup de fouet pour ma lâcheté : voilà ce que j'aurais raté si je n'avais pas fait confiance à Namjoon et Hoseok quand ils me disaient que c'était possible. Je suis incroyablement chanceux. C'est ce que je me répète en boucle, débout devant mes rêves accomplis, mes ambitions satisfaites, me lançant de nouveaux défis. Je veux que chacune de mes chansons secouent le monde comme elles me secouent en cet instant. Les vibrations des enceintes résonnent dans ma cage thoracique et je me laisse porter par le tempo.

Un, deux...

« —Les amis, ce que je vous présente là, c'est de l'inédit! »

Les basses changent, ralentissent, sont plus puissantes et agressives. Ça me mange tout cru, ça me donne envie de hurler mes vers à plein poumons. Les cris s'élèvent, scandent : « SUGA! SUGA! SUGA! »

Trois, quatre!

« Sais-tu c'que ça fait, d'être le vilain p'tit canard?
Calimero se sera battu toute sa vie pour ne pas être ce genre de connard!
Ceux-là même, ceux-ci là, qui me hante encore quatre ans plus tard;
Pissant allègrement sur ma carrière, après tout « pour se reconvertir, il n'est jamais trop tard »!

C'est dingue! (Dingue!) Oh putain ! (c'est clair!)

L'euphorie est éphémère,
Les rêves sont trop amers,
Le futur si incertain,
Et le passé ? (J'en suis pas certain !)

Gamin, le succès te monte à la tête: à trop rêver...(Tu vas t'écraser !)
Vole haut de tes ailes de papier
Comme Icare, tu vas brûler,
Et de toi ne restera qu'une poignée de plumes calcinées. (Oh man!)

Drop, drop, drop ! »

Le premier couplet passe, je sautille comme sur un ring de boxe, prêt à leur mettre la pâtée. Les fans sont enthousiastes, la surprise plaît.

« Chienne de vie, qu'en dis-tu? Même si à première vue t'as pas tant souffert.
Je t'arrache les ailes et te regarde dépérir; enfin tu comprends c'qu'on m'a fait !
J'suis un rappeur, j'use des mots et de ma langue pour te faire ta fête.
Cool tes industries; je leur fais perdre du temps à ce qu'il parait.

Born Singer [YoonMin]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant