Épilogue : Tourner la page

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Nous sommes mercredi et il reste deux jours avant Noël. Pourtant, au sein de la classe, personne n'a cœur à faire la fête. Je jette un œil autour de moi, dans la salle commune : très peu discutent, et – fait plutôt rare – la télé est éteinte. Bakugo n'est pas là. Depuis le début de la semaine (début des vacances scolaires aussi) il a passé ses journées enfermé dans sa chambre ou sur un terrain d'entraînement, hurlant régulièrement qu'il voulait être seul. Globalement, nous ne le voyions que lors des repas, et encore. 

Cela fait un peu plus d'une semaine que les Hokan ont attaqué. Grâce à l'intervention héroïque d'Aurora, Nether, Ningyo et Augma sont en prison. Ender est mort de ses blessures et personne n'a été tenu pour responsable vu ce qu'il a fait. La police et les héros qui étaient sur leurs traces depuis I-Island ont été informés de leur capture. Le lycée a également fait pression pour que les événements ne s'ébruitent pas médiatiquement. Quand papa a appris ce qu'il s'était passé, il était complètement anéanti. Je n'ai pas eu le cœur à lui donner des détails. Surtout que je ne me suis toujours pas habitué à ce vide que je ressens depuis l'attaque. J'ai bien précisé à mes camarades que je ne voulais pas en parler. Ni de l'attaque ni de ma sœur. En fait je ne veux pas discuter tout court. Ils me laissent donc tranquille et ça me va très bien. On peut dire que j'ai repris l'habitude d'être distant... 

Natsu et Fuyu ont eux aussi été très affectés par la nouvelle, surtout après ce qui est arrivé à Toya. Après une longue discussion, il a été convenu qu'ils pourraient en parler à maman la prochaine fois qu'ils la verraient. Elle a donc été mise au courant samedi dernier. Elle a encore pleuré. Mais cette fois je ne peux pas en vouloir à mon père, il n'y est pour rien... Les seuls fautifs sont les Hokan et ils ont été appréhendés. Mais cette victoire a coûté très cher.

— Alors ? Toujours rien ?

Je sors de mes sombres pensées et lève les yeux. Yaoyorozu s'est assise en face de moi après avoir déposé deux tasses fumantes sur la table.

Je secoue la tête sans dire un mot. Plusieurs avaient encore un faible espoir, mais elle devait être la seule à venir me poser la question tous les jours. Pour ma part, j'avais abandonné l'idée. Cela faisait plus d'une semaine... et il ne s'était toujours rien passé. Le vide était toujours là.

***

J'ai à la fois l'impression d'être partout et nulle part. Les couleurs me semblent ternes, je ne perçois plus la température, ni les odeurs, le toucher ou le goût. Les bruits sont diffus, comme si comme s'il y avait plusieurs pistes audio en même temps. Les pleurs silencieux d'Eri, la pluie sur la glace, la chanson de mes camarades... Je vois toute la scène, mais sans utiliser mes yeux à proprement parler. Je peux voir des détails avec beaucoup de précision, ou bien regarder l'ensemble en ayant l'impression d'être sous l'eau.

— There a hero, a hero in you...

La voix de Jiro tient la note finale, avant de s'éteindre dans un souffle. Personne n'a bougé. Je distingue Shoto à genoux, à un pas de mon corps, et ni Bakugo ni Eri ne m'ont lâchée. Je perçois le souffle de chacun, tandis que la pluie s'arrête peu à peu de tomber. 

M. Aizawa, qui jusqu'ici n'avait pas bougé, se dirige lentement vers mon jumeau et mon copain. J'entends distinctement les sirènes de la police et de l'ambulance qui approchent. Sans vraiment savoir comment, je devine qu'elles viennent de passer le portail d'entrée du lycée. Notre professeur principal pose avec douceur une main sur l'épaule de mon frère, l'autre sur celle de Katsuki. Celui-ci semble attraper quelque chose dans mon dos et retirer l'objet d'un coup sec, avant de l'envoyer valser à quelques mètres. Il s'agit du couteau... En me concentrant dessus, je remarque qu'il s'agit bel et bien de celui de Ningyo. 

D'eau, de Gel et de FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant