Une Vie d'Amant

XV : quatre ans plus tard

Ranco a fondé une famille. Rajik a voyagé. Rodge fait son bonhomme de chemin dans un autre cursus. Après tout, c'est l'année de maîtrise. Et Radge est toujours célibataire...en passe de devenir un amant hors pair.

L'année-là représente un come back à la Urban School pour tous ceux qui l'avaient fréquenté durant 3 ans après le bac. Ce n'est plus aussi condensé. Tout le monde n'est pas revenu. La raison : on n'est pas né égaux. Une autre différence séparant ceux qui sont revenus, c'est la spécialité. Radge et Ranco font la même. Radge se remet peu à peu de ses blessures passées, de ses expériences. Autant dire qu'il tourne une page de son histoire. Il a quand-même été à la quête de l'argent puis à la quête de soi. Tous furent sans grand succès. Il préfère faire phi de tout et avancer coûte que coûte. Suivre la formation de spécialiste des questions économiques dans le domaine agricole se présente comme une bouée de sauvetage où il faut jetter les dernières forces. Bien la finir est une  question de vie.

Le nabot se demande quand-même au fond de lui : « Pourquoi suis-je encore célibataire ? ». Le genre de chose qu'on rumine inconsciemment et qu'on refoule si elle fait surface. Ranco s'est casé en dépit de tout. C'est beau, ce parcours ! Et s'il l'empruntait, histoire de définir sa trajectoire à la lisière de l'histoire d'autrui ? C'est ce que Radge pensait quand soudain il revut une vieille connaissance. Son nom : Shelsya.

Dans un retour vers le futur, voici les mots qu'il n'ose pas dire à Shelsya.

L'année de nos retrouvailles, nous avons eu une relation amicale platonique. On revenait tous deux d'une période d'enfer. Chacun a traversé sa vallée de l'ombre tout en esquivant la mort. Je pense qu'il n'y a pas de hasard. Toutefois, je ne sais pas ce qu'il y a à la place.

La mienne de vallée, je n'en étais pas totalement défait. Peut-être que toi aussi ? La seule chose dont j'étais sûre, c'est qu'il me fallait avancer malgré le noir.

Nos échanges cette année-là étaient quasi fusionnels. Je me plaisais à t'écouter. J'ai beaucoup appris de toi. Je profitai pour appliquer quelques notions de psychologie sociale. Je me suis donné corps et âme, sans charnel bien-sûr. Plutôt en ce sens que la présence est la chose que tout le monde peut apporter. C'est même le primordial. Était-ce pour me donner de la valeur ou le syndrome du sauveur ? Certain que c'était la bonne chose à faire : être là à tes côtés. J'en eus des troubles au niveau du conscient, de l'inconscient et du subconscient.

La magie de cette époque : Une alchimie. L'avais-tu vécu ainsi ? J'ai bien peur de connaître la réponse. Mon flegmastisme me recommande de m'en passer. Pourtant, l'éternité se retrouvait en un instant présent quand nous étions ensemble, face à face. Une rêverie dont on nous a tiré à maintes reprises.

Je me rappelle encore d'une folie alors qu'un an ou deux plus tard tu étais physiquement loin. Tu étais de l'autre côté dans le pays. J'ai fait le voyage jusque chez toi. J'ai voulu rester plus de 24h. Tu m'as convaincu que non. À bien y réfléchir, tu as raison. Avoir raison, une de tes habitudes.
Aujourd'hui encore, je me demande ce qui m'a pris ? Je ne sais pas où je ne l'admets pas. Saura-t-on jamais ?