L'horloge sonna.
Un gong unique.
Marquant le début d'un nouveau jour.
Brisant le silence qui régnait en maître depuis quelques instants.
Minuit venait tout juste de passer.
C'était le jour de Noël.
Au travers de la fenêtre, les flocons de neige avaient recommencé à tomber. Grossissant peu à peu, venant épaissir la couche déjà bien chargée qui recouvrait le sol.
Le temps s'écoula après le gong unique, laissant le vieil homme et la jolie jeune femme se fixer l'un l'autre sans aucune réaction. La journée avait pris fin, emmenant avec elle le récit qui venait de s'achever. Un récit qui laissait un sentiment d'inachevé, un goût aigre. Et la jeune femme en oublia la fraicheur qui continuer de la faire grelotter. Sa tasse de thé vidé et abandonné à ses côtés sur la tablette en bois brun.
-Cette lettre... Dans cette poche...
Le vieil homme sembla hésiter un instant, reprenant son souffle et se raclant doucement la gorge. Sa voix s'était affaiblie à la fin de son récit. Semblant ne plus vouloir fonctionner après une telle épreuve.
-Ce fut la première que j'ai reçu de la part de Violet... Après tout cela, j'ai été rapatrié sur Paris. J'ai passé trois ou quatre mois dans un hôpital. Le temps que mes blessures physiques guérissent. Mais les blessures mentales...
La jeune femme se sentit se crisper à cette dernière phrase.
-L'armée m'a congédié après cela. J'ai reçu ma prime de démobilisation, et je fut lâché dans la rue sans rien de plus que 250 francs en poche et un vieux manteau troué sur le dos. J'ai retrouvé mon domicile en partie détruit, mes quelques champs retournés... Je fut chanceux cependant... Ma femme et mon fils étaient indemne...
A ses mots, un petit sourire se dessina sur le visage grisâtre du vieil homme. L'illuminant pendant quelques courtes secondes. Avant de disparaître. Laissant un rideau sombre tomber de nouveau sur le regard émeraude.
-Ce très fut difficile... Devoir se réintégrer à cette vie de civil que je n'avait plus connu depuis près de quatre ans. Devoir reprendre une vie calme et paisible. Silencieuse. Trop silencieuse. Les nuits étaient un véritable enfer. Et encore aujourd'hui, je ne peux m'empêcher de ramasser les miettes traînant sur la table et de les fourrer dans mes poches... Au cas où je devrais retourner là-bas... Les années ont commencé à s'écouler. La vie redevenait difficile. L'après-guerre nous avait promis le renouveau mais nous n'avions rien de plus que la misère... J'étais incapable de retrouver un travail stable en raison de mon handicap, forcant mon enfant à quitter l'école pour faire rentrer de l'argent à ma place. Je ne rêvais que de rentrer chez moi pour retrouver le bonheur que j'avais quitté. Et je m'accrochais à cet espoir... Mais la guerre m'avait changée et, en attendant le bonheur, je ne trouvais rien de plus que le désespoir et la misère... Comme ci la punition n'était pas déjà assez sévère pour ce que j'avais fait au front, quelques années plus tard, ma femme est décédée d'une pneumonie... Elle avait toujours été de plus faible constitution...
Avec ces quelques mots, Le vieil homme détourna le regard vers la photographie grise et terne trônant sur la cheminée. Une lueure douce baignant le visage de la jeune femme dans une teinte orangé. Son expression figée pour toujours dans un sourire délicat.
Une quinte de toux saisit le vieil homme, secouant ses épaules avec violence. La jeune femme se redressa rapidement de son propre siège, se rapprochant de l'homme en souffrance. Elle s'agenouilla devant lui, saisissant sa main crispée dans les siennes. Touchant aux callosités et à la rugosité de la peau qui avait vécu trop de choses.
VOUS LISEZ
La Veille de Noël - Violet Evergarden Fanfiction
ספרות חובביםTout le monde connaît La Grande Histoire. Mais quand est-il de la petite ? L'histoire de ses inconnus qui ont vécu les événements ? L'enfer, Gilbert Bougainvillea, major de l'armée française, l'a déjà vu. Mais il est loin de s'imaginer ce qu'il va v...