Ombre solitaire : une vie de mensonges.

Enlèvement

Je quitte les lieux du massacre et me dirige vers les casernes d'entraînement de nos soldats qui se trouvent à l'écart de la ville au abord de la forêt. Mon pouvoir me permet d'y arriver sans avoir à gravir la pente ardue qui fait transpirer à grosses gouttes plus d'un aspirant guerrier. En effet, Nostria, de part son ciel éternellement cendré diffuse sur tout le royaume une noirceur plus que bienvenue pour mon pouvoir. Cela renforce mes douces obscurités qui peuvent me téléporter dans n'importe quel lieu déjà visité. L'architecture circulaire, érigée sur trois étages, est percée en son centre par une arène où s'entraînent les aspirants guerriers nouvellement recrutés. Des mannequins ,fourrés de paille et recouverts d'une épaisse combinaison effilochée, complètent la population présente.

L'idée de laisser mes yeux s'égarer sur les muscles crispés par l'effort et de profiter de cette débâcle de masculinité, ne traverse même plus ma cervelle amorphe. Certains cessent leurs activités sportives lorsqu'il me voit avancer sur le parterre gravillonné. D'autres, plus hauts gradés, remarquables à leur tenue impeccablement noire et sillonnée de bandes grises, sont avachis sur les rambardes du balcon courbé et se redressent prestement afin de respecter le statut qu'ils représentent. Tous m'adressent le salut militaire et reprennent leur entraînement et leur discussion avant de se faire réprimander par le commandant en chef des armées pour leur inactivité.

Aucun commentaire n'est fait sur la présence d'une tête sans vie dans leur caserne, laissant dans son sillage un parfum d'hémoglobine frais. La rigidité cadavérique ayant fait son effet, je referme les paupières mortifiées qui laisseront des marques indélébiles dans mon esprit tourmenté.

- Un nouveau trophée ? Ça faisait bien longtemps me taquine le bourreau lui-même

- Oberon tu n'as donc rien de mieux à faire que de m'épier ?

- Votre altesse vôtre beauté est telle qu'elle m'empêche d'effectuer mes tâches correctement...besoin de se changer les idées ? dit-il en fixant mon visage maculé de sang séché.

- Va donc l'accrocher sur le mannequin d'entraînement et prend ton épée.

- Je vais encore payer pour quelqu'un d'autre soupire-t-il avec amusement

Nullement surpris par ma requête, Obe est ce qui se rapproche le plus d'un ami dans ce château grouillant de perfidie. Formidable amant, intrépide, d'une cruauté exemplaire envers les ennemis de la nation, fin stratège, il a toutes les qualités requises pour mener nos armées. J'ai déjà voulu le convaincre d'intégrer la haute sphère politique, afin d'avoir un allié à mes côtés parmi les vils dignitaires, mais ses seuls centres d'intérêts sont la guerre et la gent féminine.

- Bande-moi les yeux lui ordonné-je tandis qu'il s'approche du terrain son épée fetiche de combat en main. Offerte par la roi lui-même, le manche provient de nos mines de cobalt et permet à l'utilisateur d'y insuffler son pouvoir. Obéron n'en disposant pas avait refusé ce présent, transmis aux élites aux cours des générations, prétextant insulter ses prédécesseurs s'il l'acceptait. Toujours est-il qu'il est impossible de décliner toutes propositions appuyées venant du Roi.

Le tête dépossédée de son tronc,, posée au pied du mannequin qui me fait face, et dégoulinant des dernières gouttes de vie, m'arrache un frisson d'horreur. Délibérément positionnée ainsi par mon ami, elle ne laisse place à aucune capitulation. Obéron me contraint à affronter les démons qui tapissent mon cœur, nulle place au consentement de sa régente n'est recherchée. Il m'impose ce combat émotionnel en sachant d'avance que cette partie-là de moi est morte, ensevelie.

Pris de court par ma requête, il enlève son haut arborant notre blason, écusson entouré d'arabesques noires et qui forment en son centre un corbeau majestueux, la gueule ouverte dirigée vers le haut. Se faisant il le déchire, les muscles de ses avants bras bandés sous l'effort, tout en théâtralité.