(Hello tout le monde. Dites-moi, comme mon boulot à côté de l'écriture c'est être dessinateur et que j'avais dans l'intention de sortir une version illustrée du Pont des Anges, est-ce que ça vous chauffe par hasard d'avoir quelques illustrations finies et recherches de personnages inclues à l'histoire?
Profitez bien du chapitre, des bisous. Merci à tous <3 )La Place de L'Eau Vive a toujours compté parmi les endroits les plus animés du Coeur.
Toute de vieux pavés et de pierres grisées par le temps, entourée de hautes maisons de pierres et de colombages jaunis, elle voit se réunir en son pourtour quelques pubs et étals, ainsi qu'une dizaine de bancs de calcaire usées par les milliers de badauds venus s'y reposer, à l'ombre des maisons, et à la source de quelques chansons.
En son centre, une grande fontaine lui a donné son nom. Les trois grandes figures élimées y trônant, statues qui représentaient jadis trois divinités antiques, ont depuis des décennies perdu leurs visages. Mais les fentes gommées de leurs bouches d'antan continuent de cracher une eau trop claire pour être celle du fleuve. Provenant de sources souterraines pompées loin dans la croûte terrestre par une technologie aujourd'hui perdue des Citadins.
Sur cette place, sur le bord de cette fontaine, on trouve toujours un ou deux Ménestrels. Toujours là pour s'exercer, et gagner leur pitance. Car loin des spectacles de grande envergure comme ceux de BloomFall, le travail de Ménestrel ne rapporte vraiment qu'à celui qui sait aligner cachets et contrats. Dans le cas contraire, il prendra son escarcelle, et fera comme tous les autres : chanter dans la rue, à régaler la populace contre quelques piécettes hasardeuses.
Nightingale n'a jamais eu de problèmes avec cette pratique, au contraire, ne voit rien de mal à gagner sa vie dans la rue, de Basse Terre jusqu'à Golden Teeth, il se trouve chez lui où qu'il aille. C'est au contact du peuple d'Hillmoore qu'il s'épanouit le plus.
Si la faim se fait vraiment sentir il ira prospecter quelques contrats dans la Haute, mais son devoir de Ménestrel, à ses yeux, se vit dehors, au plus proche de ceux qui l'écoutent, dans le bruit et les odeurs de ces pavés qu'il aime tant.
Depuis son adolescence, et ses premiers spectacles de rues, où Jay le jetait sans pitié sur différentes places de la ville afin de lui apprendre le métier, face à des publics pas forcément acquis à sa cause et totalement inintéressé par un énième Ménestrel apprenti, Nightingale aime ces représentations sauvages.
C'est là qu'il se sent le plus à sa place, à chanter ses chansons à ceux qui en ont le plus besoin, à apporter à ceux qui vivent au contact du ventre affamé de la ville la part de rêve qui parfois leur manque cruellement.
C'est peut-être grâce à cette histoire d'amour perpétuel entre lui et le peuple, son éternel public de choix, que cette affection partagée lui a toujours été rendue au centuple par la foule. Peut-être parce qu'il n'attend rien d'autre que le plaisir de chanter que ceux qui l'écoutent ne peuvent s'empêcher de l'écouter avec l'émerveillement d'enfants témoins d'un spectacle rare.
C'est pour cela que malgré sa réputation, malgré ses contrats, jamais il n'a quitté les pavés, et jamais ne les quittera.
La place de L'Eau Vive, aujourd'hui, s'est remplie pour lui de badauds enchantés, qui stoppant pour un temps leurs courses quotidiennes, se gorgent de sa performance.
Et le Ménestrel en profite pour leur offrir un petit récital de son cru. N'étant armé que de sa guitare, ses possibilités sont limitées, mais il connaît assez ses partitions pour adapter la plupart de ses morceaux à son audience.
Commençant par des ballades classiques, transmises par des générations de Ménestrels, et faisant toujours l'unanimité à n'importe quel moment de l'année, devant n'importe quel public, il attend d'avoir rassemblé devant lui une foule assez grande pour poser son instrument et commencer à réciter certains contes qui lui tiennent à coeur.
Il est connu que le métier de Ménestrel équivaut plus ou moins à celui de chanteur et de musicien, mais tous ceux de sa Guilde ne se contentent pas de pousser la chansonnette. Même si la musique reste leur art principal et un atout obligatoire pour entrer dans la Guilde. Certains Manteaux Bleus sont aussi acrobates, cracheurs de feu à l'instar de Luke, ou, comme lui-même, conteurs.
Certes, Nightingale, que Jay voulait le plus polyvalent possible, a appris comme tous les siens le difficile art de marcher sur un fil et de tourner sur un ballon, et s'il est plus que compétent en danse il a de nombreuses fois prouvé manquer totalement de la souplesse qui font les bons acrobates. Il n'est qu'un jongleur à peine compétent, juste assez pour quelques tours de soirée mondaines, un contorsionniste relativement pitoyable, et un trapéziste assez dangereux pour sa propre santé, bien que funambule relativement convenable.
Mais comme conteur... Il ne craint aucune concurrence. Il le sait. Et a toujours utilisé ce don à son avantage.
Les légendes qu'il relate aujourd'hui, parsemant sa représentation de petites ballades et rondeaux bien tournés, sont des légendes de Dellmer, traduites par lui-même, et qu'il s'attache depuis son retour de prison à retransmettre aux habitants d'Hillmoore, espérant que sa réputation participera à diffuser ces histoires dans tout Sulver, et peut-être même à l'étranger.
Laisser une trace de son peuple est important. Dans ces histoires, ces leçons déguisées sous formes de fables, veille l'esprit de cet ancien peuple qui l'a vu naître.
Des récits universels, datant d'avant la chute de l'Ancien Royaume. Nightingale relate le temps d'antiques bâtisseurs, de techniciens de génies, construisant dans la souveraineté de la pierre des vaisseaux blancs de calcaires et de granits, fantastiques usines à rêves, défiant les nuages et le ciel. Défiant les dieux.
Sous les yeux fascinés d'un public toujours plus à l'écoute, se massant sur la place pour entendre sa voix, il décrit la chute d'un empire, la fin des Dellmers, emportés par une épidémie qu'ils croyaient convoquée par leurs divinités courroucées pour les punir de leur orgueil.
Cette épidémie a décimé leur peuple, et fragilisé leur royaume, autorisant la montée des PrésiDucs. L'histoire des Oubliés, l'histoire d'Hillmoore entremêlées se déroulent, relatées par la voix vibrante de Nightingale, et les notes lumineuses de sa guitare.
Le Ménestrel, sachant que le jour touche à sa fin, et que son public ne doit pas rester sur une note aussi triste, finit sur une dernière chanson mettant du baume au cœur à ceux qui l'écoutent.
Il sait ce qu'il doit donner au peuple, et ce qu'il doit faire pour préparer la révolution. Il sait qu'il veut créer un héros pour eux, leur donner de l'espoir, une personne en qui croire et aux côtés de laquelle, au moins en pensée, se rebeller contre la tyrannie des corporats.
Il n'a pas encore forgé ce héros, le Ménestrel n'a pas encore su trouver la bonne approche, le guide parfait de ses rêves, mais il possède un atout dans sa manche. Une vieille chanson de Jay.
Parlant de jours meilleurs, de rêves à saisir.
Par le fil qui nous a liés, jetés dans l'espace, au milieu de tes prières et de nos rêves, de nos chuchotements partagés, chante-t-il, se souvenant des notes de cette mélodie ancienne, mille fois répétées lors de son apprentissage.
Par la lune qui contemple, nos erreurs, et nos rêves, nos folies et nos cris, un témoin de ce qui jamais ne sera fini...
La chanson se déroule, rythme lancinant et clair que son public accompagne en tapant dans les mains.
Ensemble nous sommes un autre, ensemble, nous sommes le reflet de nos prochaines heures, finit la chanson. Le toujours que nous touchons des doigts, le nulle part qui jamais ne s'oublie, le futur que l'on ne cesse d'écrire.
Et c'est sur cet appel à l'équilibre et à se tourner vers l'avenir qu'il termine sa représentation, saluant humblement sous les applaudissements de ceux qui jettent quelques pièces dans son escarcelle.
Jamais il n'a refusé ces pièces, même quand il n'en avait pas besoin. Pas par nécessité ou avarice, mais par principe. Si un Ménestrel se met à refuser sa dîme, alors plus personne ne voudra jeter de pistoles aux débutants qui en ont plus besoin que lui.
Certes, on lui donne maintenant plus d'argent qu'il n'en a besoin, surtout avec la généreuse bourse de la veille l'attendant au chaud chez Ghost, mais si jamais il redistribue ces richesses par la suite, personne n'a besoin de le savoir.
Tant que les gens continueront de donner aux Ménestrels, ils remercieront les rêves par un sou lancé en toute conscience, et cela convient parfaitement à Night.
Quand une jolie jeune femme s'approche de lui pour lui offrir une brassée de fleurs fraiches alors que la foule commence à se disperser, le Ménestrel se retrouve un peu pris au dépourvu. Mais il a l'habitude de ces démonstrations d'affection de la part de ses admirateurs. Et sait comment les décourager de vouloir plus tout en les remerciant chaleureusement.
Acceptant le bouquet d'une révérence, il offre une de ces fleurs à la jeune fille, lui disant de la conserver pour son prochain galant. Elle rougit, et lui fait un sourire, avant de s'enfuir vers ses amis, riant nerveusement.
Le Ménestrel soupire, et tout en secouant la tête avec un petit sourire, il enfouit ses pièces dans sa poche, gardant le bouquet à la main, avant de traverser la place.
Cela fait quelques minutes qu'il a bien vu, l'attendant dans un coin, écoutant sa performance avec un intérêt concentré, Krit, le petit frère de son voleur.
"Alors bonhomme," dit-il, l'entraînant sur un banc un peu à part de la place, "qu'est-ce que tu en as pensé ?"
Le jeune homme reste stoïque pour cacher sa nervosité, mais ses phalanges blanches de stress et sa respiration tendue parlent pour lui. Il ne sait pas à quelle sauce il va être mangé.
"Il y avait sacrément de monde..." souffle Krit, fixant le vide, ses mains serrant le banc de pierre. "C'est toujours comme ça ?"
"Pas à mes débuts, non," s'amuse le Ménestrel. "J'étais pitoyable. Une fois, on m'a même chassé de la Place du Levain tellement je m'embrouillais dans mes accords de guitare."
Nightingale se souvient de sa première audition. Peut-être était-il plus arrogant que l'adolescent, mais même armé de toute sa morgue, face à une Jay au faîte de sa carrière, il n'en menait pas large. Son ancien mentor s'était moqué de lui, jadis. Et l'avait fait boire pour le décoincer avant de l'écouter chanter. Il préfère opter pour une autre tactique...
"Toi ?" demande Krit, lui jetant un regard incrédule. "Je n'y crois pas."
"Je ne mens jamais," signale le Ménestrel, lui envoyant un petit sourire. "Je suis un Oublié. On ne sait pas mentir, tu te souviens..."
"C'est vrai..." soupire l'adolescent, quelque peu rassuré, connaissant la réputation des Oubliés. Qui, s'ils évitent parfois de parler aux Citadins, refusent catégoriquement toute forme de mensonge, par principe, leur franchise les rendant parfois franchement antipathiques aux Sulverayns. "Mais tu es aussi un Ménestrel. C'est votre travail de tordre la vérité..."
"Les histoires que l'on raconte ne sont pas des mensonges," rectifie Nightingale, soudain sérieux. "Extraire l'essence d'une fable pour en ressortir ce qu'elle a de plus pur n'est pas un mensonge, au contraire. Notre devoir de Ménestrel nous demande d'être toujours vrai. Avec nos sentiments, avec nos histoires, avec ceux pour qui l'on chante... C'est cette vérité qui nous définit. Qui façonne notre coeur ainsi que notre essence. Est-ce que tu me comprends ?"
Krit, un peu surpris par ce changement de ton hoche la tête.
"Nous ne chantons pas uniquement pour nous-mêmes," continue Night, en profitant pour faire rentrer cette leçon, peut-être la plus importante, dans la tête du jeune homme. "Nous partageons notre âme avec ceux qui daignent nous écouter. Pour recevoir, il nous faut d'abord donner. Nous sommes des artisans des mots au service du peuple. C'est parce qu'ils écoutent que l'on peut exister. Et pour cela, nous leur devons la sincérité. Même si cette sincérité vient des tréfonds les plus sales de notre âme, que nous changeons l'horreur en beauté pour la rendre au monde, nous nous devons d'être fidèles à nous-même et de chanter notre vérité. Si tu n'as pas cette pensée chevillée au corps, ancrée dans tes os, alors tu n'es pas et ne sera jamais un Ménestrel. Rien de plus qu'un simple amuseur public. Vulgaire et sans intérêt."
L'adolescent, les yeux écarquillés, déglutit, avant de prendre une grande inspiration, et de hocher la tête.
"Je comprends," dit-il finalement, son visage enfantin paré d'un air grave. "Je crois que je comprends."
"En es-tu sûr ?" Insiste Nightingale.
S'il a promis à Ghost d'auditionner son frère, et que la passion de l'adolescent est visible, palpable, le Ménestrel n'acceptera de le présenter à la Guilde que s'il est prêt à se dévouer corps et âme à ce métier. Ménestrel, ce n'est pas l'amour du spectacle, des paillettes, et des mots doux des admirateurs... C'est un travail exigeant, un travail du corps autant que de l'âme, qui a bien failli le laisser brisé dans sa jeunesse. Aucun individu sans réelle passion ne doit s'y engager. Et si, pour ça, il doit d'abord faire peur à l'adolescent, alors, tant pis...
Mieux vaut reculer maintenant, qu'après des mois d'un apprentissage intensif. Il a vu trop de ses condisciples apprendre cette leçon à la dure... Et repartir la queue entre les jambes, des rêves brisés dans leurs besaces en berne.
"Je comprends," insiste Krit, levant le menton, le regardant droit dans les yeux. "Mais c'est la seule chose que je veux faire. J'ai besoin de musique pour vivre, et je veux la partager avec les gens ! Alors si toi tu ne veux pas m'écouter, je demanderai à quelqu'un d'autre. Et j'essaierai, encore et encore, jusqu'à pouvoir entrer dans la Guilde."
Il a l'air si motivé, son petit visage décidé sous ses mèches noires en bataille, son corps frêle enfoncé dans ses habits bien trop riches pour ce petit rat des pavés, que Night ne peut s'empêcher de laisser passer un petit rire.
"Très bien, très bien, bonhomme," apaise-t-il, ébouriffant encore plus les cheveux de l'adolescent, qui fait la moue. "Mais il fallait que je sache."
"Tu essaies de m'impressionner," renifle Krit, passant sa manche sous son nez, l'air un peu vexé. S'il n'est pas du sang de Ghost, il est fait du même bois, et porte en lui les mêmes attitudes bravaches que son frère. "Mais ça ne marche pas," signale l'adolescent.
"Bien sûr," offre gentiment le Ménestrel, n'insistant pas. "Est-ce que tu as préparé une chanson, alors ?"
"Tu veux qu'on fasse ça maintenant ?" Le jeune homme ouvre les yeux, regardant autour de lui les gens passant et repassant sur la place qui ne leur prêtent qu'une attention distraite, saluant parfois le Ménestrel de loin.
Night hausse les épaules. "Et pourquoi pas ? Personne ne nous écoute, et je n'ai pas vraiment de lieu au calme pour t'auditionner près de la Guilde, donc... Quelle chanson est-ce que tu as préparée ?"
"Hum..." Krit fronce le nez. Soudainement bien moins sûr de lui.
Night dois bien admettre que c'est un coup bas, que d'auditionner en pleine rue. Et il n'a pas vraiment envie de mettre l'adolescent aussi mal à l'aise qu'il l'a été jadis.
Après tout, si le petit est bon, ce qui reste encore à déterminer, le Ménestrel veut savoir à quel point, afin de mieux estimer auquel de ses collègues le confier. Et il n'a pas, hélas, trop de temps à allouer à cette activité, même s'il aimerait beaucoup se dédier plus à ce gentil petit bout d'homme.
"Viens avec moi," signale-t-il à Krit, avant de l'entraîner à sa suite un peu plus loin.
L'adolescent le suit sans rechigner dans une petite impasse.
Le soleil se couche sur les fumées noires du nord, et le ciel se teinte de rose. La petite impasse loin de la place est déserte, à cette heure où les réverbères ne se sont pas encore allumés. Heure bleue, heure grise, entre chien et loup ou s'éveillent les noctambules, et qui leur servira de cocon pour accueillir les premières gammes du jeune homme.
Nightingale, avec un petit sourire, se cale contre un mur, bras croisés, et fait signe à Krit de se tenir debout.
"Alors," demande-t-il de nouveau. "Quelle chanson ?"
"Je..." Krit expire. "Je préfère te la chanter si ça te va..."
"Oh, c'est donc une des miennes, n'est-ce pas ?" s'amuse le Ménestrel. Avant de continuer, face aux joues roses du jeune homme qui essaie de garder sa contenance. "Ne t'inquiète pas, au contraire, c'est mieux. Une des miennes, je saurais précisément l'écouter comme il faut."
"D'accord..."
L'adolescent prend quelques secondes, dans le silence entrecoupé de l'activité lointaine de la place, pour respirer, et baisser ses épaules, gonflant son ventre.
Nightingale hoche la tête, appréciateur. Bon réflexe.
Puis, les yeux fermés, Krit prend une grande inspiration et ouvre la bouche.
Dès les premières mesures, Nightingale reconnaît la chanson choisie, et hausse un sourcil.
Jamais tu ne sauras, ô mon âme, jamais tu ne sauras ce qu'il adviendra de nous, jamais au grand jamais, nous ne partagerons ce même air, chaque jour qui passe, nous ne vivrons plus ensemble sous ce même soleil...
Cette chanson, effectivement, est une chanson de Night. Qui ne date pas de sa jeunesse, mais de sa période de gloire avant sa disparition. Cet ode déchirée à un amour perdu, composée quand il ne lui restait que sa voix en repart à des tourments qu'il souhaitait apaiser, et qui, avec le temps, s'est répandue dans tout Sulver... Étrange, comme une histoire brisée peut se changer en sérénade traversant le pays...
Les mêmes mots, chante Krit, d'une voix claire, sans répits, les mêmes sentiments, le même vide, la même rengaine, ritournelle d'antan au rond de nos cœurs cassés, car c'est à ici que tu appartiens, et c'est d'ici que tu pars...
Le Ménestrel fronce les sourcils, à mesure que la chanson se déroule.
Parce que cette chanson a pour particularité, en plus d'avoir assis sa célébrité, d'être difficile. Difficile à un niveau faisant que peu d'autres Manteaux Bleus se risquent à la tenter dans sa version originale. La tessiture demandée est trop large, et le souffle trop long pour que le premier venu ne s'y aventure comme une ballade de plaisance.
Pourtant... Le jeune homme face à lui, ne fait pas que chanter cette chanson, et la chanter avec une justesse désarmante. Sa voix, d'abord tremblante se fortifiant à chaque mesure, emportée par la musique, et gagnant en confiance à mesure que l'adolescent se perd dans sa mélodie...
Tu n'es pas là, et je ne suis plus là où m'attend la vie, nous sommes une fois de plus perdu de toute éternité, et tu ne seras jamais de ce côté de l'immensité. Sous ce ciel qui n'est pas mien, tissant des liens d'argents au fil de mots oubliés...
Krit, mains tendues devant lui, sa voix se brisant un peu sur les notes les plus basses, mais claires dans ses hauteurs, vit sa musique. La vit. Comme si cette chanson coulait en lui, venait directement de son âme, il l'interprète.
Le Ménestrel a l'impression, pour la première fois depuis longtemps, d'entendre les paroles qu'il a lui-même composées, de les découvrir... Sentant une fêlure vive se rouvrir dans sa poitrine.
Et tu ne sauras jamais, termine-t-il, en une longue descente d'émotions brutes, ô j'espère, jamais tu ne verras, ce qu'il en est de vivre, sachant tout ce que jamais, jamais plus, on ne se survivra... Reprenant son souffle, il rouvre les yeux, pour croiser le regard de Night. Incertain.
"Est-ce que..." demande-t-il. "Est-ce que c'était... correct ?"
Le Ménestrel, inspirant lentement, passe une main sur son visage...
Essayant de se défaire des émotions violentes qui l'agitent. Étouffant la naissance d'une larme d'un battement de cil, son ventre remué de sensations enfouies.
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La Ballade du Pont des Anges - Tome 1 - Nightingale
Фэнтези(VOLUME 1 TERMINÉ.) (TW : violence morales et physiques, mentions d'abus sur mineurs, descriptions graphiques, slow burn.) Nightingale est doué, charmeur, il traîne derrière lui nombre de mystères, c'est le meilleur Ménestrel de tout Hillmoore. Gh...