Plus tard dans la journée, je suis de nouveau dérangée. Je ne sais pas ce qui me vaut toutes ces visites, mais cela risque de vite m'agacer si elles se multiplient. Je stoppe ce que je suis en train de faire et descends au rez-de-chaussée pour ouvrir quand on frappe à nouveau.
« Voilà, j'arrive, une minute.
J'ouvre la porte et suis surprise de me trouver face à Elmire, le fils du chasseur.
— Bonjour, Luxilie.
— Bonjour, Elmire. Que me vaut ta visite ?
— J'ai croisé Yolain au village. Il m'a expliqué que tu étais inquiète au sujet des loups. Alors, je me suis dit que je pourrais venir vérifier pour te rassurer.
Je note dans un coin de ma tête de frapper mon cher ami quand je le croiserai.
— C'est gentil, mais ce n'est pas la peine. Tout va bien, aucun animal à l'horizon.
— Tu es sûre ? Je préfèrerai vérifier quand même si tu n'y vois aucun inconvénient.
Mon cerveau tourne à plein régime pour trouver une excuse crédible pour le congédier. Seulement, Elmire est plus rapide que moi.
— J'en ai pour une minute.
Ne sachant que dire, j'abdique.
— D'accord, suis-moi.
J'attrape un châle et l'invite à me suivre à l'arrière de la maison.
— Je vais vérifier s'il y a des traces. Attends-moi ici.
La panique s'insinue immédiatement en moi. Je sais que des loups rôdent, mais je ne veux pas pour autant que les chasseurs les abattent. Si ces animaux avaient vraiment eu envie d'attaquer, ils l'auraient fait depuis longtemps.
— C'est vraiment nécessaire ? Je t'assure, je n'ai rien vu.
Elmire se tourne vers moi et adopte des airs d'experts prétentieux.
— Tu sais, ces animaux sont de vraies bêtes sauvages. Il ne faut pas leur laisser le temps de s'approcher sinon ils n'hésiteront pas à t'attaquer. Il suffit de voir ce qu'ils ont fait au pauvre gosse des Theillier.
— Je croyais que vous n'aviez pas réussi à déterminer de quel animal il s'agissait et il n'y avait aucun loup dans ceux que vous avez attrapé pendant les battues.
— Justement ! C'est bien la preuve que ces bestioles sont dangereuses.
Elmire me sourit et se dirige au fond du jardin. Il longe la forêt, regarde au sol, à travers les arbres. De mon côté, je me pétris les doigts de stress. Je redoute qu'il ne remarque les traces de leurs dernières visites. Va-t-il se rendre compte que des louveteaux ont joué dans le jardin ? En bon fils de chasseur, aucun de ces détails ne devraient lui échapper. J'aurais dû me taire ou faire promettre à Yolain de ne rien dire à personne. Il semblerait que je me sois montrée imprudente et que j'ai baissé ma garde un peu trop rapidement avec le jeune homme. Je suis sûre qu'il a voulu bien faire, mais à vouloir être trop serviable, on peut parfois empirer les situations.
— Rien à l'horizon.
Elmire me sort de mes pensées en me surprenant. Se moque-t-il de moi ?
— Tu es sûr ?
Il me dévisage un instant. Se douterait-il de quelque chose ? A-t-il remarqué les passages récents des loups, mais garderait-il le secret pour lui ? Pourquoi faire ?
— Tu crois que je devrais trouver des empreintes ou autre chose ?
Une alerte retentit dans mon cerveau. J'ai l'impression qu'il n'est pas sincère. D'ailleurs, je l'ai vu se baisser et frotter le sol. A-t-il détecté leur présence ? Je tente de garder toute ma contenance.
— Non, je ne pense pas et je n'espère pas.
— Très bien. Dans ce cas, tu veux bien m'offrir un verre d'eau ? »
Je l'invite à me suivre à l'intérieur et lui tend un verre d'eau.
« Merci. C'est qu'il fait chaud aujourd'hui.
Je ne loupe pas son regard qui se perd dans mon décolleté. Dérangée, je croise les bras en prenant soin de recouvrir ma poitrine de mon châle. Sa mâchoire se serre imperceptiblement. Toutefois, j'ai le temps de le remarquer. Mon geste ne l'empêche pas de me détailler de la tête aux pieds.
— Dis-voir, Yolain et toi, vous...
Je le regarde, suspicieuse.
— Nous... ?
— Tu vois... Vous êtes ensemble ?
J'ouvre les yeux en grands, éberluée par cette question indiscrète.
— Cela ne te regarde pas.
Elmire sent que je me referme, alors il tente de rattraper la situation.
— Je suis désolé, c'est juste que...
— Que quoi ?
L'homme me regarde une seconde.
— Eh bien, si Yolain ne l'a pas encore fait, j'espérais...
Tout en parlant, Elmire se rapproche de moi. Par réflexe et méfiance, je me recule au même rythme.
— Tu espérais quoi ?
Sa voix devient plus rauque, plus basse. Je me retrouve dos contre le mur.
— Que tu sois libre. Et je crois que je vais tenter ma chance.
Sans me laisser le temps de répondre, il se colle à moi et me tient fermement par les hanches tout en plongeant sa bouche dans mon cou. Heureusement, je suis bien entraînée. Je parviens à presser mon pouce entre ses phalanges. Même s'il est nettement plus que fort que moi, ce simple geste le fait lâcher prise. Je le pousse et tente de me dégager en le contournant. Rapide, il me saisit par le bras d'une main et arrache mon châle de l'autre. Je trébuche dans ma robe et lui l'occasion de se jeter sur moi.
— Pourquoi tu ne te laisses pas faire, hein ? On va s'amuser, tu vas voir.
— Certainement pas !
Je me débat, mais sa carrure me bloque et me coupe le souffle. Je tente de ne pas lui laisser la possibilité de se glisser entre mes jambes, mais c'est peine perdue. Il me tient les poignets d'une main, au-dessus de ma tête et de l'autre, il s'affaire à défaire le haut de son pantalon et à démêler mes jupons. Je me trémousse pour tenter de libérer mes jambes.
— Allons, laisse-toi faire.
— Ne rêve pas trop.
Il rapproche son visage du mien, un sourire mauvais aux lèvres, et tandis qu'il s'apprête à m'embrasser, je projette ma tête contre son nez. Je sens autant que j'entends un craquement sourd. Je viens de lui casser. De douleur, il me lâche pour recouvrir son nez. Du sang coule sur ses mains et le long de ses poignets.
— Tu m'as pété le nez, salope !
Sans attendre, je me relève et me précipite dans la cuisine. J'attrape la première chose qui me tombe sous la main. Pas de chance pour lui, c'est une poêle en fonte. Je me retourne en la brandissant et lui en assène un violent coup derrière la tête alors qu'il se redresse. Il titube et trébuche, mais parvient à rester debout.
— SORS DE CHEZ MOI ! »
Affaibli et surprit de perdre la face devant une femme, il ne demande pas son reste et fuis en m'affublant de quelques noms d'oiseaux et non sans un regard qui me fait comprendre qu'il ne va pas en rester là. J'ai intérêt à rester sur mes gardes plus que d'habitude.
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Chimère - Luxilie de Ste Sophie
FantasíaLorsque sa meilleure amie décède dans un accident de calèche, Luxilie décide de se rendre sur le lieu de l'accident. En effet, celle-ci ne croit pas en la thèse du simple accident. La femme s'installe alors dans la petite bourgade de Molendibourg et...