Chapitre 4✅

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C'est l'aide ménagère de ma grand-mère qui nous accueille, nous délestant de nos manteaux dans le joli vestibule. Elle nous intime de nous diriger au salon. Je repère tout de suite ma grand-mère, debout à regarder par la fenêtre, Hector sortir nos valises du coffre. Elle ne semble pas malade. Donc ce n'est pas la raison de notre venue. Simple visite de courtoisie ?

Quand elle se retourne, elle fixe directement son regard, neutre, sur moi. Elle me détail de haut en bas pour je ne sais quelle raison. Je pense qu'il est inutile d'ajouter qu'elle n'a jamais été une mamie gâteau. Je sais d'où vient la froideur maternelle de ma mère.

En revanche, mon grand-père que je n'ai pas longtemps connu résidait plus doux.

Sans me dire bonjour, elle ajoute à ma mère en l'embrassant :

— Elle est très belle, elle semble moins rebelle aussi, tout sera plus facile, j'imagine.

Un compliment suivi d'une critique par-derrière, il fallait s'en douter.

— Bonjour, merci pour le compliment, dis-je d'une voix pincée.

Je suis un poil contrariée par cet accueil, je sens que le week-end va être long. Elle finit par me sourire (quand même) et entraîne ma mère dans une autre pièce, me laissant planter là au milieu du salon. Hector, lui, fait des aller-retour depuis le coffre de la voiture jusqu'à nos chambres avec les valises.

J'en profite donc pour poser mes yeux sur les meubles anciens, mais très beaux qui composent le salon. Ma grand-mère possède tout un tas de bibelots coûteux. Ils semblent ne jamais changer de place au fil des années. J'en profite pour ouvrir un tiroir ou je demeure certaine de trouver ce que je cherche, à chaque fois que je viens ici. Une photo. Une photo du mariage de ma mère avec mon père. La photo est cachée derrière une photo de ma mère, resplendissante lors d'un défilé.

Sur le cliché, ma mère en robe de mariée haute couture semble resplendir, elle affiche un sourire que je ne lui ai jamais vu. L'homme à côté d'elle, sans visage, car sa tête a été retirée de la photographie est lui aussi vêtu d'un beau costume. Voilà tout ce que je possède sur mon père. Chaque fois, j'essaie de me l'imaginer. Il devait être blond, moi-même l'étant et ma mère, ainsi que grand-père et grand-mère étaient, sont bruns.

J'ai souvent tenté de poser des questions sur lui à ma mère. Sans jamais obtenir de réponse, j'ai juste réussi à la faire sortir de ses gonds. Depuis, nous n'en parlons jamais.

Je range rapidement la photographie et claque le tiroir alors que le bruit des talons de ma mère me parvient aux oreilles. Elles reviennent, après une discussion certainement très animée, qu'on a voulu me cacher comme si j'étais encore une enfant de quatre ans.

Depuis quelques mois, ma mère me cache certains de ses coups de fil. Au début cela m'a semblé bizarre, puis finalement, j'ai fini par ne plus y faire attention.

La jeune femme qui nous a accueillis arrive au même moment pour nous proposer du thé. Je prends place sur le canapé, mes parentes font de même.

La domestique nous pose quelques minutes plus tard le nécessaire pour le thé. J'espère enfin être éclairé quant à notre visite.

— Les études se passent bien ? m'interroge ma grand-mère pour amorcer la conversation.

Un vrai bonheur grâce à Léon qui gâche tout.

— Très bien, merci.

Je n'ajoute rien de plus, je sais qu'elle a autre chose en tête, je m'empare d'une tasse, bois une gorgée.

— Ta mère a choisi une très bonne université, c'est de loin la meilleure, tu as de la chance.

Elle évoque cela comme un reproche et je manque de m'étouffer en pensant au professeur de littérature et à la bande d'idiots. Je crache par mégarde un peu de mon thé. Ma grand-mère, surprise et contrariée, déclare :

Aliénor et les garçons - Romance - TERMINÉOù les histoires vivent. Découvrez maintenant