III

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Doro

Plus tard, Sophie me dira qu'elle craignit ma nature soi-disant fêtarde et légère, à accepter l'invitation d'un parfait inconnu dans un pays parfaitement étranger. Cependant me voilà donc, à attendre le garçon de la plage, devant la petite maison de St Marc, et pour seule compagnie les mouettes chantant à tue-tête.

Je les entends presque rire : « Et s'il te trouvait bizarre ? » « Tu en fais trop avec ta tenue !! » « Imagine, tu ne sais plus quoi dire » « Et s'il se moquait de toi ? » « Et si, et si, ».

J'ai une expérience quasi nulle avec les garçons. Mon tableau de chasse pointe un beau 0. Je dis quasi puisque niveau théorique je suis au top avec mes livres... Enfin ils me donnent l'impression de savoir comment m'y prendre avec les garçons... non ? Pas de demande de numéro, ni même de discussion aguicheuse avec la gent masculine. Ça craint ! Le stress de l'échec grandit de plus en plus en moi actuellement.

Je ne peux pas empêcher mon esprit tordu d'imaginer toutes sortes de scénarios possibles en passant du râteau qui fait bien mal, au drame amoureux, au mariage au ski et enfin aux beaux enfants qu'on pourrait avoir ensemble.

Moi aller trop loin dans mon petit cerveau ? À peine !

Avant de sortir j'ai pris le temps de réviser le vocabulaire de base pour une rencontre. Mon niveau de français est très bon (c'est une des seules choses dont je ne suis pas peu fière, donc je peux le dire !) mais une fuite peut toujours arriver, surtout qu'on me critique souvent mon expression trop scolaire. Je parle comme je l'ai appris, donc pas un langage courant, plutôt un langage soutenu. Mieux vaut donc être prévoyante. Et ce n'est pas faux de dire que l'éducation en termes de langues est très mauvaise, ce que je veux dire c'est que je ne m'y prendrais pas comme ça. Je chercherais plus le contact, l'interaction, moins le côté scolaire exigeant. Je parlerais aussi de la culture propre au pays dont on étudie la langue, donner envie aux élèves et savoir l'histoire, le mouvement de la langue apprise. Enfin, ça ce seront mes valeurs pour devenir prof (si dans cette vie, je le deviens). Et puis parfaite excuse sortie à Éloïse qui en plus d'être crédible est totalement vraie : une langue, ça se vit. Discuter avec des jeunes de mon âge me permettra d'évoluer couramment et surtout sans paraître venir de la noblesse avec cet air soutenu qui nous vient des écoles.

-Eh, l'allemande ! On y va ?

La voix me sort rapidement de ma stupéfaction. Je ne comprends pas le début de sa phrase mais je comprends que c'est parti, la soirée va commencer. Oh, mon, Dieu. Je ne suis pas prête. Vraiment pas. Pourquoi moi ??? Arrête un peu de faire la drama queen, bon sang ! C'est qu'un garçon. Un garçon très beau... sexy à crever. Carrément mon genre. Bref. Heureusement qu'il arrive plus près de moi j'étais en train de m'imaginer notre lune de miel, à lui et à moi, à nous dans un lit... enfin c'était parti très loin. Je me tourne donc vers le tourmenteur de mes pensées les plus viles. Je croise son regard si sombre. Son regard en lequel je crois voir un grand nombre de secrets. Les secrets des ténèbres. Des ténèbres peut- être similaires aux miens ? Peut-être pourrait-il me comprendre, lui ? Personne ne peut te comprendre, ma vieille. D'apparence si joyeuse, ses yeux ne suivent pas cet état. Ils semblent réellement tristes. Je commence sincèrement à délirer à me prendre dans une espèce de drame romantique. Je lis trop de livres comme ils le disent tous. Enfin, qui sait je pourrais peut-être être réalisatrice non ? Peut-être serais-je nommée au festival de Cannes, aux côtés de Laura et Sarah. Ou même produire à Hollywood, eux qui aiment ce genre de romance clichée. Oh, mais oui ! Une romance ! Je vais enfin écrire, un livre, la bonne idée. En plus ce style littéraire se vend très bien, je crois. Et si ce n'est pas le cas, je serais la pionnière de la romance. Tout le monde voudra en acheter. Ha ! Ce serait vraiment beau. Dorothée, la Jane Austen des temps modernes... Ou sinon je serais la grand-mère à l'imagination débordante et à la vie passée trépignante, celle qui a gardé toutes ses histoires dans sa tête, et qui autour d'un feu de cheminé, racontera toute cet amour et ce passé merveilleux à ses petits-enfants, en commençant par sa rencontre avec leur grand-père en France... Ah ! Stop !

La romance de mon existence - Der Sommer meines LebensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant