Roméo
Si elle découvre... J'ai besoin de boire... Même si ce n'est qu'une bière...
Hier, mon bonheur a atteint le summum. Je ne pouvais être plus heureux. Je ne pensais pas pouvoir être heureux à nouveau... Pourtant une culpabilité me tord l'estomac ce qui explique mon petit-déjeuner dans les toilettes. Je me lave les dents et espère avoir vomi toute ma détresse. Je dois lui dire. Je lui dois bien ça. Elle le mérite.
Derrière le volant de ma voiture rouge, j'observe la maison. J'y vais ou je n'y vais pas ? Je l'aperçois finalement derrière la fenêtre. Je vois rouge. Je suis trop en colère contre moi. Quel lâche ! Je sors, claque la portière et sonne à l'entrée. Sa silhouette, tellement belle, finit par se diriger vers la porte pour venir m'ouvrir. Dès qu'elle me voit, un énorme sourire illumine son visage. Ma culpabilité augmente d'un cran.
-Roméo ! Que fais-tu ici ? Tu ne m'as rien dit non ?
Elle hésite, alors j'avance et lui caresse la joue. Je lui dépose un baiser rapide sur la joue déjà toute rouge.
-Salut... je voulais te parler...
Un air d'inquiétude la traverse puis elle s'exclame :
-Moi aussi ! Je ne savais pas quand le faire...
-Vas y je t'en prie.
-On va aller dans mon espace, pour s'asseoir.
Je la suis, puis ne pouvant me retenir, j'attrape doucement son bras, l'attire à moi et quand nos visages se frôlent :
-Je peux ?
Elle souffle un petit oui, et je n'attends plus. Je pose ma bouche sur la sienne, d'abord gentiment et finit par caresser ses lèvres de ma langue. Elle les ouvre et notre baiser s'approfondit. Je pose mes mains sur ses hanches et elle pose une main derrière ma tête pour m'attirer encore plus près. Dis donc, Dorothée ?? On se sépare pour respirer mais on se s'interromp pas. Je suis fou amoureux.
-Tu as bu de l'alcool ?
Sa question a le don de me ramener brutalement sur terre. Et surtout je me rappelle ma présence première ici. Merde... J'étais tellement stressé que je me suis enfilé une bouteille de vin. Elle a dû le sentir.
-Oui... je... enfin j'étais au restaurant avec mon oncle ce midi, c'est pour ça.
Mensonges... Elle m'observe longuement.
-Je ne te crois pas. Mais bon tu finiras par me dire, je suppose. Tu trouves toujours tes mots en général.
Je commence à perdre le peu de courage qui m'habite. Son air triste me redonne quand même de la constance :
-Tu voulais me parler donc ?
Elle hoche la tête et m'emmène dans un cabanon dans le jardin. C'est donc là qu'elle dort. Je suis perplexe, mais rapidement je découvre un lieu moderne aménagé. On finit par s'installer sur le lit, côte à côte. Elle semble vraiment stressée, alors je lui prends la main. Elle me regarde :
-Tu te souviens, quand on s'est vus la première fois ?
Je hoche la tête et elle reprend :
-Je pensais à mourir.
Je m'en doutais, mais je ne dis rien, je l'écoute me raconter ses démons.
-J'ai toujours été une personne très joyeuse. Je souriais pour un rien, je sociabilisais avec tout le monde même les élèves les plus timides, je riais et blaguais.
Elle me décrie une personne que je connais très bien. Elle.
-Puis j'étais très romantique. Je lisais des livres sur des hommes parfaits, je m'imaginais trouver le prince charmant au bon moment, au bon endroit. J'ai fini par trouver un prince. Je commençais ma première année d'études supérieures en germanistique. Il était gentil, beau, intelligent et surtout paraissait fou de moi. J'avais l'impression de l'être de lui. Mais c'était surtout une période où j'avais besoin d'affection. Ce n'était pas de l'amour, mais ça ne faisait pas moins mal... Je découvris qu'il était un pervers narcissique. Il me voulait tout entière pour lui. Au début je le croyais. Je m'abandonnais. Je ne voyais plus ma famille, plus mes amis, je n'allais pas dans la ville de mes rêves pour poursuivre mes études, mes notes dégringolaient. Mais ce n'était pas grave : j'étais avec lui. Il me disait qu'ensemble, rien ne pourrait nous arriver. Quand enfin je comprenais mon erreur et que ce n'était pas un prince charmant, je voulu partir. Il me tabassa. Il eut la « bonté » de m'emmener à l'hôpital. Il essayait de me garder cachée de mes parents mais au bout d'un moment ils furent informés. Ils comprirent tout de suite et commencèrent un procès contre lui. Il ne fût pas trouvé coupable parce que pendant ce temps, j'étais un fantôme et je ne voulais rien dire. Ils n'avaient pas « assez de preuves » pour commencer quelque chose. Ils lui dirent seulement « ce n'est pas bien, ne recommence pas et ne t'approche pas trop d'elle ». Ils n'y croyaient pas. Mes parents déménagèrent, et au bout d'un moment j'avais assez de force pour reprendre les études mais pas d'allemand, de français. Je fonctionnais à nouveau comme un humain en bonne santé mais ce ne fût plus pareil. Ma personnalité insouciante se retrouvait en personnalité stressée. Je commençais à me faire des problèmes là où avant je n'aurais même pas imaginé. Et puis ma confiance en soi, elle, n'était plus présente. Je me détestais. Comment avais-je pu être aussi bête ? J'avais besoin de voyager en permanence pour ne plus penser à ma vie détruite et c'est aussi pour cette raison que je suis ici. C'est comme fuir mes pensées. Maintenant je vais beaucoup mieux. Mais je ne me sens plus pareille. J'ai l'impression de ne plus pouvoir être la « moi d'avant ». Enfin bref...
Je suis cloué sur place. Je la prends instinctivement dans les bras.
-Dorothée, tu es la personne la plus mignonne, la plus souriante que je n'ai jamais rencontré. Tu illumines le monde de beaucoup de personnes. Et puis même si tu n'y crois pas, tu me donnes goût à la vie. Tu es importante et je ne pense pas que ta « toi d'avant » a disparue. Tu as une blessure intérieure mais c'est la vie. On subit, on apprend, on continue à marcher. Cette blessure ne t'a pas détruite, elle te rend plus forte, plus résistante. Le stresse est normal, si tu n'en avais pas, ce ne serait pas normal. Il n'est pas constant. Et d'après ce que je sais de toi, tu es assez forte pour y résister. Tu as déjà guéri. La guérison est longue mais réelle.
Je ne peux pas lui dire tout ce que je devrais lui dire. Pas après qu'elle s'est ouverte. Elle serait trop déçue par moi. Elle me quitterait et je ne serais plus qu'une masse. J'ai conscience de mon égoïsme mais je ne suis pas prêt. Je repense à la bouteille de vin à laquelle je n'ai pas résisté. Dorothée mérite que j'arrête, pour elle j'arrêterai volontiers.
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La romance de mon existence - Der Sommer meines Lebens
RomanceHistoire inspirée de faits réels... Une fille allemande au pair en France, une rencontre, un changement. Lisez la préface, si vous voulez en savoir plus.