( Journal de Victoria. Extraits)
Madame Rumlow!
Il en jette ce nom.
6 mois que nous sommes en couple et me voilà déjà marié à Broke. C'est rapide, mais c'était une évidence quand il m'a fait sa demande. Impossible pour moi de lui dire non.
Il a fait les papiers à une de ses vitesses, comme s'il avait eu peur que je me rétracte. Il m'a même acheté une petite robe blanche pour l'occasion. Elle m'arrivait au genou, un style assez vintage.
Je rigolais toute seule le matin de mon mariage en me regardant dans la glace. Habillé comme ça, je ressemblais à Mami Do dans les années 40.
C'était un tout petit mariage chez le juge de paix. J'aurais aimé un joli mariage traditionnel, mais bon, Broke m'a dit qu'on n'avait pas le temps. Pourquoi on n'a pas le temps? Aucune idée. Peut-être que son agenda de mission est surchargé et que c'est maintenant ou jamais.
Monsieur Pierce nous a donnés une semaine de congé pour l'occasion. Comme cela, nous avons pu aller voir mes parents leur annoncer la bonne nouvelle et qu'ils rencontrent leurs nouveaux gendre.
Ils ne sont pas très contents que je me sois marié à la hâte, mais se sont abstenus de tout commentaires devant Broke. C'est une fois que Broke est sorti pour passer un appel qu'ils se sont lâchés. Comme je le prévoyais, maman m'a dit qu'elle n'avait aucune confiance en lui, que se marier au bout de seulement 6 mois était aussi déraisonnable qu'absurde.
Comme d'habitude, papa était d'accord avec elle. Heureusement pour moi, Broke est revenu dans la maison au moment où elle attaquait la suite de son sermon avec la différence d'âge entre mon mari et moi.
Ils me fatiguent tous les deux.
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John et Betty lui avaient conseillé de rester avec eux. Après tout, la proposition du gouvernement n'était en aucun cas une obligation. Mais Vicky n'avait jamais aimé vivre aux crochets des autres. Et la cuisine riche de cousine Becky commençait à avoir raison de son estomac.
L'assistante sociale avait surement raison, peut-être était-ce une opportunité de tout recommencé à zéro?
La douche froide arriva dés qu'elle eut posé les pieds dans le Centre d'aide aux disparus de Brooklyn. Ici le travailleur social était beaucoup moins compatissant que celle de la Nouvelle Orléans.
Il se contenta de prendre le papier que tenait Victoria dans les mains et de lui donner un tout nouveau papier à remettre au futur employeur de celle-ci, dont l'adresse se trouvait au bas de la page. Puis il hurla un: -"SUIVANT!" par-dessus l'épaule de la jeune femme, sans lui adresser un sourire.
Elle arriva en fin de matinée dans ce qui allait être son futur lieu de travail. C'était un bar minable dans un des quartiers populeux de New York tenu par deux vieux garçons.
Elle fut reçue en entretien par l'un des deux. Il ressemblait à une espèce de Biker ventripotent d'une cinquantaine d'années qui portait encore fièrement la coupe mulet comme un porte-étendard en l'honneur du mauvais goût.
Pendant tout l'entretien, Victoria était mal à l'aise. L'homme passait son temps à la regarder avec envie.
Il lui fit une rapide visite des lieux et Il lui montra la pièce où elle allait travailler. Il s'agissait d'un bureau minuscule situé au fond du Bar, ayant pour seule aération une lucarne donnant directement sur la rue.
Elle vit de suite la montagne de paperasse étalée un peu partout dans des cartons et dans la pièce elle-même. Il y aurait fort à faire avant de dresser une comptabilité digne de ce nom dans ce taudis.
Au moment de partir, Vicky demanda:
-" Le travailleur social du Centre d'aide aux victimes de l'Éclipse m'a dit que c'était vous qui deviez me donner les clés de mon nouveau logement."
À ses mots, le regard de l'homme devint vite lubrique.
-" C'est exact ma jolie. Mais d'abord il faudra être gentille avec moi."
En disant ses mots, il s'était avancé vers elle comme un prédateur.
Victoria n'avait pas envie d'être gentille, ni avec lui ni avec personne. Elle ne recula pas, mais à la place le fusilla du regard et haussa le ton.
-" Écoutez-moi bien, c'est pas que cela m'enchante, mais je n'ai pas le choix que de travailler dans votre rade. Alors maintenant soit vous me filez les clés de mon nouveau logement et vous tenez vos engagements, soit je fais en sortes de vous coller tout le fisc des États-Unis au cul, et vous déposerez le bilan avant même d'avoir pu cligner des yeux."
La seule évocation du mot "fisc" fit blêmir l'homme. Il fouilla frénétiquement dans ses poches et lui tendit un trousseau de clés en bredouillant de plates excuses .
Victoria entendit soudain un gros rire derrière elle. Elle se retourna et vit un Afro-Américain grisonnant qui s'avançait le dos vouté.
-" Bien fait pour toi, Jay. Ça t'apprendra à embêter les jeunes filles."
Il s'avança ensuite vers Victoria.
-" Moi je suis Jackson. Veuillez l'excuser mon crétin d'associé, il sait pas parler comme un gentleman. Mais il est pas méchant, et il vous fichera la paix, je vous le promets. Suivez-moi, je vous emmène à votre logement."
L'homme était affable, Victoria su de suite qu'elle ne risquait rien avec lui. Elle le suivit sans discuter. Il l'accompagna jusqu'à son appartement, qui se trouvait à 50 mètres à peine du bar.
-" Voilà, c'est au dernier étage. Je ne vous accompagne pas, comme vous le voyez, mes jambes ont du mal à me porter depuis un petit moment. Mais mettez-vous à l'aise."
-" Merci beaucoup."
-"Oh c'est peu de chose." dit le vieil homme débonnaire. -" J'ai survécu à l'Éclipse alors que je suis vieux et malade, mais pas vous alors que vous aviez encore la vie devant vous. C'est pas juste, et j'aime pas l'injustice. Et puis, votre aide va nous être précieuse au bar. Je ne suis pas très doué pour la paperasse, et Jay c'est encore pire. Si on peut s'aider mutuellement."
-"Je ferais de mon mieux." dit Victoria en ébauchant un sourire.
Le vieil homme fit demi-tour et retourna au bar. Victoria, quant à elle, n'avait que sa valise, la totalité de ses biens. Elle monta jusqu'au dernier étage et tourna la clé dans la porte.
L'appartement était un meublé uniquement composé d'une grande pièce où se trouvait une kitchenette, une table, deux fauteuils avec une vieille télévision. Près de la fenêtre se trouvait un lit deux places qui mangeait pratiquement le quart de la pièce. Une minuscule salle de bain composée d'une douche, d'un lavabo et de toilette jouxtait la pièce.
L'endroit était très poussiéreux et très sombre. Victoria découvrit que le manque de lumière était dû aux fenêtres qui n'avaient pas dû être nettoyées depuis plusieurs années.
Elle finit par s'assoir sur le lit en soupirant, complètement démoralisé par la tournure qu'avait prise sa vie.
-" Et merde!" finit-elle par murmurer.