Chapitre 15

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Le premier.

C'est là que Matthieu a toujours voulu être, au sein de ses équipes, mais aussi à son poste, à titre individuel.

Seulement, cette position lui pesait particulièrement aujourd'hui. Menant la file de ses coéquipiers, il était le premier à pénétrer la pelouse du stade Chaban-Delmas, en fier mais angoissé capitaine. Ceci, aux côtés du meilleur joueur du monde, Antoine Dupont, emmenant l'équipe qui, quelle que soit son état de forme, reste la plus redoutée du championnat car, quoi qu'il arrive, elle restait capable d'étincelles.

Aujourd'hui, en plus d'Antoine, leurs meilleurs joueurs étaient alignés, et notamment son éternel rival en équipe de France. Autant dire que la tâche n'avait rien de simple. Et, le blond ressentait cette pression. Son premier match de reprise ne s'était pas trop mal déroulé, mais il avait dû prendre sur lui pour faire face à la douleur qui l'avait animée tout le match. Ainsi, il attendait beaucoup de cette rencontre en terme de sensation et espérait réellement que ses déboires soient officiellement derrière lui.

L'intensité fut immédiatement grande. Les chocs étaient rudes et le combat physique difficile à assumer. Les temps morts étaient rares et le rythme pas évident à suivre tant les toulousains étaient en train de prouver au stade entier pourquoi ils étaient l'un des collectifs les plus redoutés du monde.

La mi-temps n'était même pas encore arrivée que le score était déjà lourd en défaveur des bordelais. La marche semblait trop haute aujourd'hui. Et le numéro dix se sentait responsable de cette échec qui se profilait. Effectivement, il ne parvenait pas à emmener le jeu de son équipe comme il avait l'habitude de le faire avant sa blessure. Définitivement, ses automatismes peinaient à refaire surface, la conséquence directe étant que le jeu de Bordeaux apparaissait désorganisé et à la peine face à un ballet si bien orchestré dans l'équipe adverse.

D'autant plus qu'affronter Toulouse signifiait toujours être comparé à son homologue à son poste, Romain Ntamack. Une comparaison qu'il avait toujours tenté d'ignorer au maximum, se convaincant qu'il avait ses chances autant que lui et que leur concurrence était saine. Mais, force est de constater que c'était de moins en moins le cas. En effet, le toulousain semblait prendre une longueur d'avance considérable à moins de trois mois du mondial désormais. Alors que lui revenait tout juste de blessure et peinait à retrouver son niveau.

Depuis le début du match, les deux ne se quittaient pas du regard. Chacun connaissait les enjeux de cette rencontre. Chacun savait que cet affrontement était peut-être le dernier avant le mondial, et c'était le moment idéal pour prouver à leur sélectionneur qui était le meilleur. Le rugby était un sport d'équipe où le collectif devait toujours primer. Mais certaines réalités individuelles demeuraient, un phénomène inévitable chez des athlètes de haut niveau, en quête incessante pour l'excellence.

C'était un duel dans un combat encore plus grand. Chaque plaquage qu'ils échangeaient, chaque ballon qu'ils récupéraient, chaque passe qu'ils réalisaient visaient à hisser l'un ou l'autre plus haut.

Ils étaient à la rupture.

Une nouvelle fois lorsque Matthieu vit Romain arriver pleine charge sur lui, il ne réfléchit pas et comme il l'avait déjà fait à de nombreuses reprises, il s'interposa dans la course du brun. Seulement, la vitesse qu'emmenait son adversaire lié à un manque de compétition du blond, et donc de précision, laissa entrevoir le pire. S'il parvint à l'arrêter, il fut immédiatement sanctionner d'une vive douleur dans sa main.

Désormais immobile, il se tenait ses doigts avec fermeté, une grimace s'affichant instantanément sur son visage. Sans attendre, le médecin de l'équipe se précipita vers lui, alors même que le blond n'osait pas regarder l'état de sa main car il sentait à son incapacité à bouger certains de ses doigts que ce n'était pas beau à voir. Et effectivement, ce n'était pas joli.

I walk to rememberOù les histoires vivent. Découvrez maintenant