Chapitre 22

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Le temps devenait long, ou plutôt, il ne restait pas suffisamment de temps.

Matthieu ne savait plus. Voilà déjà vingt minutes que son équipe et lui-même se battaient pour une place en finale du Top 14. Vingt minutes stériles, sans point marqué. Vingt minutes qui ne reflétaient pas leur saison, ni les efforts fournis par l'ensemble des joueurs et du staff pour en arriver là. Mais vingt minutes futiles et terriblement longues, annonçant que les cinq dernières petites minutes qui restaient, ne suffiraient pas à couronner leur saison 2023 de succès.

Définitivement, le sport pouvait être cruelle.

Certes, l'équipe en face était probablement la meilleure actuellement. Mais ils avaient eu le droit d'y croire. Seulement, force est de constater que la victoire n'allait pas leur sourire aujourd'hui. Une nouvelle fois.

Voilà déjà deux ans qu'ils échouent aux portes de la finale, si près du but. Aux portes d'un graal qu'ils savaient accessible, mais si loin à la foin.

Toutes les tentatives du numéro dix avaient échoué. Toutes ses passes, tous ses coups de pied, inutiles. Et, lorsque le coup de sifflet final retentit et que leur défaite fut définitivement actée, un terrible sentiment de culpabilité l'anima. Encore une fois.

La Rochelle venait de s'imposer dans le magnifique stade d'Anoeta de San Sebastian. Mais peut-être que si il n'avait pas été aussi paresseux pendant la préparation de ce match, il n'aurait pas perdu. Peut-être que si il n'avait pas manqué cet entraînement, les choses auraient pu être différente. Peut-être que si il était resté pleinement concentré sur son sport, et uniquement sur son sport, il aurait pu être plus performant.

Il aurait dû être plus investi, pensait-il. Encore plus. Encore plus que d'habitude, encore plus disponible, encore plus présent sur le terrain.

Les mains sur les hanches et la tête légèrement penchée vers l'arrière, son cerveau n'arrivait toujours pas à croire ce qu'il venait de vivre. A l'écart de tous, il voyait en face de lui les joueurs Rochelais célébrer leur victoire. Ils se sautaient dans les bras, grands sourires aux lèvres et éclats de rire facilement audibles.

Ils étaient heureux, tout son contraire.

Lui, ne pouvait afficher qu'un air triste et déçu. Son attitude avachie trahissait la lourdeur de la défaite, de même que les traits de son visage qui, complètement tirés, laissaient entrevoir des émotions qu'il s'efforçait toujours de cacher du mieux qu'il le pouvait. Une boule était en train de se former dans sa gorge, et la terrible envie de fondre en larme était en train de l'emporter.

Mais il savait qu'il était attendu, qu'en tant que capitaine, il se devait de mener le navire même en pleine tempête, il se devait de rester fort. Il savait que les journalistes attendaient ses premiers mots, sa première réaction à chaud. Il savait que son entraîneur souhaitait entendre sa première analyse. Mais il n'arrivait même pas à y penser, c'était trop dure.

Définitivement, la vie avait du mal à lui sourire.

A quelques mètres de lui, l'un de ses coéquipiers l'observait. Connaissant la forte tendance de son ami à s'en vouloir terriblement après une défaite, quelle qu'elle soit, Louis vint à se rencontre, le même air déçu inscrit sur son visage.

-Hé Matthieu, ne t'en veut pas trop. Commença l'ailier 

Louis avait bien conscience que chacun vivait la défaite à sa manière, que certains avaient besoin de soutien quand d'autres préféraient la solitude. Mais il savait surtout que son demi d'ouverture était capable d'être un peu trop négatif lorsqu'il était déçu, parfois même au détriment de ses camarades.

I walk to rememberOù les histoires vivent. Découvrez maintenant