I walk to remember

Chapitre 29

Le soleil marocain n'avait pas été assez convaincant, se dit Matthieu.

Depuis près d'une heure, les courses avec et sans ballon se multipliaient. Aucun joueur n'était épargné. Aucune excuse n'était bonne pour échapper à ce qui devenait de plus en plus un supplice.

Mais malgré l'intense soleil landais d'un mois de juillet particulièrement chaud, personne n'avait envie d'abandonner. Personne, car tous étaient conscients que leur chance de faire parti de la trentaine de joueurs sélectionnés pour le plus grand évènement du calendrier du rugby mondial se jouait maintenant.

Alors chacun se reposera plus tard. La difficulté, la douleur, la fatigue ne seront rien pour les semaines de préparation à venir. L'heure était à l'abnégation, la résilience et le dévouement pour le collectif. La France devait gagner cette Coupe du Monde, chez elle, avec ses meilleurs éléments.

L'esprit allégé et pleinement concentré sur son objectif ultime, Matthieu comptait bien se donner l'opportunité de faire parti de cette liste des retenus, même si cela ne devait être que dans la peau du numéro deux. Certes, il était un compétiteur, mais il comprenait la chance que c'était de ne serait-ce que faire parti du groupe.

En face de lui jouait Romain Ntamack, son rival au poste de titulaire. Seulement, leur sélectionneur avait été clair, le mot 'rival' était à bannir. Il ne devait effectivement y avoir qu'un seul mot dans la bouche de toute l'équipe et spécialement dans la leur : France. C'était le collectif qui devait primer et c'était la France qui devait inscrire son nom au palmarès de la Coupe du Monde. Il ne devait y avoir aucune individualité.

Ainsi, les deux premiers stages s'était bien déroulés, comme d'habitude en réalité. En effet, jamais aucun des deux n'avait réellement laissé cette rivalité apparaître au sein du groupe, même si tout le monde avait bien conscience que les deux ne se portaient pas vraiment dans leurs cœurs.

Mais en réalité, l'intensité du moment n'autorisait pas franchement les esprits à s'égarer à ce genre de préoccupation longtemps. Cependant, heureusement pour lui, la fin de l'entraînement était arrivée, entraînant avec elle un moment qui s'annonçait déjà fatidique. Peut-être pas pour sa carrière et pour une éventuelle sélection en équipe de France, mais plutôt pour sa vie personnelle.

En effet, le trajet retour du Maroc avait fait l'objet d'une intense réflexion pour le blond. Encouragé par sa copine, Matthieu avait enfin pensé à la possibilité de renouer les liens avec ses parents. Nina lui avait rappelé avec enthousiasme qu'une Coupe du monde en France, il n'allait en vivre qu'une seule dans sa vie. Cet évènement, qu'il soit victorieux ou non, s'annonçait unique, comme un souvenir gravé à jamais dans un esprit. Alors, l'infirmière lui avait soumis l'idée qu'il devrait probablement le vivre aux côtés de ses proches, et qu'il regretterait si ce n'est pas le cas.

Ainsi, Matthieu avait jugé meilleur d'être pleinement concentré sur le rugby pendant les trois semaines qui ont suivi leur retour du Maroc. Une situation qui avait attristé la brune, tout comme le blond d'ailleurs, mais à laquelle les deux avaient fini par se faire, comprenant que ce n'était que temporaire, et que l'excuse était vraiment bonne. Malgré la distance, la faute aux deux stages avec l'équipe de France pour atteindre le plein potentiel de chaque joueur, leur relation ne s'était absolument pas dégradée. Finalement, c'était même le contraire puisque la distance créait un manque qui témoignait de l'attachement.

Mais ce stage à Capbreton était l'occasion pour Matthieu d'inviter quelques proches, le sélectionneur de l'équipe de France ayant jugé cette autorisation bénéfique pour le moral de ses joueurs. Et il avait raison. A peine l'entraînement terminé, l'ensemble des joueurs s'était précipité au vestiaire pour se changer au plus vite et rejoindre de la sorte leurs familles respectives dans le camping qui leur avait été dédié. Pendant deux semaines, ces bungalows allaient constituer leurs cocons.