Du saut et de la surprise.

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Vieil-Œil posa son verre et repris.

- Je dormais comme une souche jusqu'au lendemain. La conversation avec Alto m'avait apaisé. De plus, je sentais que je devais finir de grandir. Pour ça, il fallait que Bracsa m'apprenne à me défendre seul. Mon « père » avait raison, il ne serait pas toujours là et je savais très bien que l'avenir peu nous réserver bien des surprises. Un peu après le réveil, j'allais voir la chatte blanche et lui demandais si elle voulait bien m'enseigner.

- Mh... Oui tiens. Ça te fera pas de mal. Avec un peu de chance ça te remplumera au passage. Mais gaffe hein! Si tu reçois des griffures ou des morsures, tu viendras pas râler !

- Non Bracsa, promis ! On commence quand ? J'ai hâte !

- Ton père m'a dit qu'il chasserait avec toi ce matin. On fera ça après, pendant le tour d'Amati. En attendant, viens m'aider, on a les chatons à nettoyer un peu. Les plus grands sont allés se rouler dans le crottin ce matin, c'est pas beau à voir, et je voudrais pas que ma mère se farcisse ça toute seule.

Ça nous prit un certain temps de décrotter ce petit monde. Aucun n'avait de nom pour le moment. J'ai mis six mois à avoir le mien, ils pouvaient bien attendre un peu aussi. Il y en avait encore quelques uns très faibles, et on se demandait sérieusement si ils allaient survivre. Amati m'expliqua que certains ne devaient pas avoir reçu à manger depuis trop de temps quand ils les avaient débusqués. Les portées étaient souvent bien cachées et dures à trouver. Parfois même ils étaient arrivés bien trop tard, et n'avait pu que constater l'horreur. Ça me vrillait les tripes d'entendre ça, je me rendais compte de ma chance. J'avais, dans mon malheur, trouvé des amis qui m'avaient aidé. Grâce à Joe et Alto, je n'étais pas mort de faim, et bientôt je saurais me débrouiller seul avec les cours de Bracsa. Le temps que je réfléchisse à tout ça, le noiraud m'appela pour aller chercher à manger. Nous fîmes de même que la veille, au moulin. Cette fois je pris garde à ne pas m'approcher de la roue, et filais directement chasser. J'eus encore la chance d'attraper un rat, et en plus de nos proies habituelles, Alto tua un oiseau.

- Tu vois, c'est un pigeon. C'est aussi débile que ça en a l'air. Pas trop compliqué a avoir. Tu devrais essayer un de ces quatre, quand Bracsa t'aura appris à être discret.

- Pourquoi c'est pas toi qui m'apprend ?

- Je t'ai appris à chasser, ça te suffit pas?

Il me poussa gentiment de son épaule et pris le chemin du retour en grommelant. Décidément, je ne comprenais pas les sautes d'humeur d'Alto. Je ne cherchais pas trop à comprendre non plus, ça faisait un moment que je l'avais accepté comme il était, sans prendre pour moi ses moments de grogne. Par contre, je voyais qu'il laissait sur son sillage une quantité impressionnante de plume et de duvet, et lui courait après pour le rattraper.

- Alto! Attends tu es plein de trucs degueux!

- Hein? Il se regarda. Ah oui mince j'ai pas fait gaffe. Bon sang maintenant que tu le dit ça gratte! Aide moi à enlever tout ça... Parce que sinon la patronne elle va nous engueuler, ça va pas être joli à voir non plus ...

Je ris et je l'aidais. Quand nous sommes rentrés, Amati prit son tour, partant cette fois en forêt, pour varier les endroits afin de ne pas trop faire fuir les proies.

Le Noiraud decortiqua nos prises et distribua les morceaux. Les plus grand pouvaient commencer à manger de la viande, et ça demandait un peu moins de travail. La fille du palefrenier était passé aussi, et les plus petits avaient pu avoir du lait. L'odeur traînait encore sur leurs moustaches, et ça les rendait encore plus adorables. Bracsa était avec un des petits mal en points, et essayait désespérément de le nourrir, sans succès. Je la regardais faire quand elle le souleva et le reposa près des autres. Soudain, elle bondit, hargneuse, tout poils et dents dehors, impressionnante.

Vieil-œil et le chatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant