A travers la forêt

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Boran se frottait les mains. Les soirs où le conteur venait, sa caisse se remplissait joliment. Cependant, il ne manquait jamais de laisser une petite part du revenu de la soirée au vieux. Pour rien au monde il n'aurait voulu que ces veillées se passent ailleurs que chez lui, et par ailleurs, il avait appris à apprécier l'homme. Au fils des mois, ils étaient devenus amis. Remplissant généreusement le bol de soupe, l'accompagnant d'un verre de vin chaud aux épices, il alla déposer le tout près de l'âtre. Il en profita aussi pour ranimer le feu, et Vieil-Œil le remercia d'un sourire.

Les enfants étaient bien vite revenus. Les parents ainsi que la table du fond avaient commandé de nouvelles boissons. Loupiot, qui avait profité de la pause pour se dégourdir les pattes, revint se blottir contre le conteur, et celui-ci reprit dès que les enfants se calmèrent.

--Bien! Loupiot nous disait donc que tout allait changer pour lui. Laissons le nous expliquer.

– Pendant plusieurs jours, nous avons remarqué qu'il y avait de moins en moins de personnes à la taverne, et même les rongeurs se faisaient rares. En plus ils n'étaient pas vraiment vaillants. Alto continuait à les tuer mais ne les mangeait plus.Il m'avait conseillé de faire pareil, mais de toutes façon, l'aspect des rats n'était pas appétissant. Joe partageait sa ration avec nous pour compenser. Les humains paraissaient malades et inquiets eux aussi. Ils nous regardaient méchamment, et nous ne comprenions pas pourquoi. Alors nous nous disions qu'on nous en voulait parce qu'on ne chassait plus assez, on se faisait tout petits dans les coins. Puis plus personne ne vint. Nous sommes restés toute une journée seuls, dans l'auberge fermée, et commencions à penser que nous ne verrions personne ce jour là, quand le tavernier entra précipitamment. Il avait plusieurs planches à la main, et alla les clouer sur la porte d'entrée. Ensuite, il nous poussa dehors tout les trois, et clôtura la porte des cuisines. Il nous jeta un dernier coup d'œil et partit sans se retourner. Je ne comprenais pas ce qu'il nous arrivait, ce que nous avions fait de mal. Joe nous regarda, nous demanda d'attendre et partit dans la rue. Il y avait tellement de nouvelles odeurs que je ne comprenais pas... Ça sentait mauvais, comme une forte odeur de feu et de rat pourri. Alto et moi nous couchâmes derrière une caisse vide, et attendîmes que le chien revienne. Ce qui ne tarda pas.

-- C'est pas la joie les gars... J'viens de croiser le corniaud du croque-mort. La ville est bouclée, la peste est là.

Alto eu l'air alarmé. Je ne comprenais toujours rien à ce qui se passait, mais ça n'avait pas l'air bon du tout. Vraiment pas.

-- On doit sortir de la ville, Joe.

– Ouaip Noiraud, et vite.

Je demandais pourquoi, et le chien me répondit.

– Parce que tu es roux. De une. Et Alto est noir. Et en plus, on risque de la chopper cette merde.

Je regardais alto sans comprendre.

– Vous êtes tous les deux des chats à la couleur maudite. Avec l'arrivée de la maladie, les humains vont lancer une chasse au coupable, et si ils vous mettent la main dessus, vous allez y passer. En plus, on va pas rester dans cette ville sagement à attendre d'attraper cette cochonnerie.

-- D'accord... Je ne pige pas tout... Mais on doit fuir alors Alto? On peut pas du tout rester là?

– Oui mon petit. Déjà beau que le tavernier nous ait à peine foutu dehors. Joe, le port ou la campagne?

– La campagne. Restez bien ensemble tout les deux. Le port est bouclé de toute façon, ils ont tout barricadé. Je pars de mon coté, je dois aller vers le sud. Tenez vous loin des hommes, bien cachés. Mangez du poisson si vous pouvez, évitez les rongeurs. Si j'ai bien compris, c'est peut être eux les coupables.

Vieil-œil et le chatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant