Sacrifice et voyage.

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[ Mes plus grands remerciement à Mahaharion pour avoir tapé ce chapitre et me permettre d'enfin vous le publier!]

Les jours suivants, peut-être huit ou neuf, je continuai à m'entraîner avec ma tante. J'étais maintenant plutôt bon selon elle, et je travaillais dur. Entre la chasse, les cours, et les moments que je passais à m'occuper des touts petits, je n'avais pas de temps pour moi. Les plus jeunes chatons couraient dans tous les coins, grimpant à l'étage, s'y retrouvant bloqués, nous obligeant à aller les chercher. Les plus vieux, eux, mourraient d'envie de venir chasser avec nous. Malgré qu'ils aient l'âge pour apprendre, Viola refusait qu'ils se risquent dehors. Du coup, ils nous rabâchaient les oreilles toute la journée pour qu'on craque. Un particulièrement, un petit gris tout rayé, harcelait Bracsa pour qu'elle lui apprenne. Pour leur faire plaisir, on ramenait autant que possible des proies encore vivantes, pour qu'ils s'y fassent les pattes.

Les cinq chétifs n'avaient pas survécu. Tous nos efforts pour eux n'y ont rien fait. J'étais troublé. Jamais auparavant je n'avais côtoyé la mort ainsi. Quand nous avions fui avec Alto, c'était différent. La mort touchait les humains, pas nous. Là, nous ne pouvions qu'assister aux disparitions de tous ces chats... J'étais perdu. Mon instinct me disait de fuir, mais je ne pouvais pas me résoudre à quitter ma nouvelle famille.

Un matin, Alto et Amati partirent tous les deux. Nous avions décidé de changer les tours de chasse de temps en temps, mais je sentais qu'ils ne faisaient pas que ça. Ils rentraient très tard, sans dire quoique ce soit de leur journée. Et j'avais beau les questionner, ils ne me répondaient pas. Même Viola et Bracsa n'en tiraient rien. Ces cachotteries m'inquiétaient beaucoup.

Au fur et à mesure des jours, leur comportement devenait de plus en plus étrange. Alto ne me parlait plus que pour m'encourager à m'entraîner encore et encore. « Je veux que tu sois prêt » me disait-il. Mais à quoi ? Cela me rendait fou.

Je sus bientôt.

Une nuit noire, alors que je sommeillais, les voix des deux mâles m'alertèrent.

– Bon sang Alto, sors-toi ça de la tête ! C'est trop dangereux !

– Mais on sait que c'est lui ! On l'a vu faire !

– Et alors ? On est des chats. Tu veux faire quoi ? Miauler à la mort ?

– Pourquoi pas ? J'irai de toute façon. Ça doit cesser.

– Tu es aussi fou que lui. Et si ça ne marche pas ?

– Je ne sais pas.

– Et le petit ? Tu y penses ?

– Mais justement ! Pourquoi crois-tu que je fais ça ? C'est pour Laslo, pour les autres, pour vous !

– Rien ne te fera changer d'avis hein ?

– Non mon oncle, rien. Tu expliqueras quoi faire au petit si je me vautre. Mais je dois tenter.

– Tu pars quand ?

– Maintenant.

J'entendis Alto se diriger vers moi, et fis semblant de dormir. En silence, il posa sa tête contre la mienne, puis sortit de l'écurie. J'étais terrorisé, je sentais que c'était son dernier contact avec moi, mais je ne savais pas quoi faire. Si Amati n'avait pas pu le retenir, comment aurais-je pu ?

Le conteur s'arrêta, regarda l'assemblée.

– A moi maintenant de vous raconter ce qu'a fait Alto cette nuit là. En sortant, il se dirigea vers l'échoppe du boulanger. Toutes ces nuits, avec Amati, ils l'avaient vu tuer des chats, des chiens, et même un humain. Et il avait un plan. Un plan de chat, mais quand même. Il allait attirer le tueur devant des hommes du guet. Comme il n'y avait presque plus qu'eux comme chats, il était sûr de pouvoir l’intéresser. Repérant le fou, il se montra, capta son attention. Les yeux aux éclats de sang fixèrent le chat, il prit tranquillement son couteau sur le comptoir, et le suivit, un sourire cruel aux lèvres. Le noiraud prenait son temps, emmenant l'homme à travers de petites ruelles, sans le distancer pour autant.

Vieil-œil et le chatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant