Chapitre 2

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Je voulais connaître la vérité. Mais quand je l'ai sue, j'ai regretté d'avoir voulu la connaître.

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La salle du trône était bondée.

D'élégantes dames aux coiffures compliquées, parées de bijoux scintillants discutaient avec des messieurs en costumes trois pièces aux cheveux soigneusement coiffés en arrière et retenus par une quantité impressionnante de gel, à la mode de l'année. Tout ce monde bavardait, une flûte de champagne à la main, créant un brouhaha sonore dans la salle.

Au fond de la pièce, sur une estrade, se trouvaient les trônes. C'était deux meubles en or massif, incrusté de pierreries, avec une assise de velours pourpre rembourrée.

Ma mère, Lucile d'Enchavais, la Reine était assise sur celui de droite. Silencieuse et droite dans sa robe bleu nuit, coiffée de la couronne de bois d'éclipsis, elle observait les nobles de la cour d'un air triste. Celui de gauche était vide, personne ne l'avait jamais occupé. C'était le trône du Roi, mais il n'y avait pas de roi. J'étais une enfant illégitime, ma mère n'ayant jamais voulu révéler qui m'avait engendrée.

À mon entrée dans la pièce, les visages se tournèrent vers moi, les conversations s'éteignirent petit à petit.

Ma mère m'aperçut et se leva, un sourire étirant ses lèvres fines. Ses longs cheveux bruns bouclés tombaient en cascade sur ses épaules, ses yeux marrons pétillaient de fierté.

J'avançai lentement vers le fond de la salle, me forçant à regarder devant moi. Mon cœur battait furieusement dans ma poitrine, mes mains tremblaient et je sentais ma tresse battre dans mon dos dans une cadence infernale. Sans la présence de Célestine, j'aurais sûrement déjà fait demi-tour en courant. Elle n'avait pas le droit de me toucher, elle marchait deux pas derrière moi, la tête baissée en signe de soumission. Malgré tout, le fait de savoir qu'elle était là m'apaisait.

Après une marche interminable pendant laquelle j'eus repassé dans ma tête le déroulement de toute la cérémonie, ses gestes, ses discours ; je me dressai enfin au pied de l'estrade. Là, je me mis à genoux et posai mon front sur le sol, la dernière marque de soumission que je faisais de toute ma vie. Derrière moi, Célestine m'imita. Puis vinrent les nobles qui, d'un seul et même mouvement, se prosternèrent une dernière fois devant la Reine.

Ma mère pris la parole, sa voix claire résonnant sous les voûtes innombrables du plafond de la salle.

– Moi, Lucile d'Enchavais, après vingt ans de règne, cède ma place à ma descendance.

Je me relevai et montai les huit marches qui menaient à l'estrade.

La salle était plongée dans un silence respectueux, les nobles étaient toujours à genoux même s'ils avaient relevé la tête pour observer la cérémonie.

Je me tenais maintenant face à ma mère. Elle me regarda avec tant d'amour que je dus me retenir de la serrer dans mes bras.

– Élérida d'Enchavais... commença-t-elle à réciter, mais sa voix se brisa et elle dut attendre quelques secondes avant de reprendre la parole. Élérida d'Enchavais me remplace à la tête du Royaume. Désormais, elle est votre Reine et vous lui devez le respect et l'obéissance qu'on doit à sa condition.

Sa voix était hachée par l'émotion.

– Élérida, acceptes-tu de te mettre au service du Royaume de Salmera et de ses habitants, d'être toujours là pour eux et défendre notre territoire contre les envahisseurs ?

– Oui, soufflai-je. J'accepte.

– Élérida d'Enchavais est dorénavant votre Reine ! clama ma mère en ôtant la couronne de sa tête pour la poser sur la mienne.

La Fille du LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant