Chapitre 6

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Quand une partie de soi prend le dessus sur une autre et nous pousse à commettre des actes regrettables.

•°•°•✷•°•°•

Je me réveillai dans mon lit. Célestine était penchée sur moi, l'air inquiet.

– Elle est réveillée ! annonça-t-elle d'une voix soulagée en me voyant ouvrir les yeux.

Ma mère accourut aussitôt et poussa un soupir. Malgré son air fatigué, elle avait l'air d'aller beaucoup mieux qu'hier.

– Mais où donc es-tu allée te fourrer pour revenir dans cet état ? cria-t-elle.

Cette simple phrase fit remonter tous les souvenirs de la veille.

– Où m'avez-vous trouvée ? bredouillai-je.

– Dans ton lit, pourquoi ? répondit-elle avec un air dubitatif.

– Je...

Je ne devrais pas être vivante à l'heure qu'il est, et encore moins dans mon lit.

– Ne me dis pas que tu es allée... commença ma mère, une main devant la bouche.

Je la regardai en faisant semblant de ne pas comprendre.

– Allée où ? mais je ne pus empêcher ma voix de trembloter.

– Dans la forêt. Élérida, ne me dis pas que tu es allée dans la forêt un soir de pleine Lune ? sa voix était montée dans les aigus, je vis qu'elle avait peur.

Mes yeux baissés constituaient le meilleur des aveux.

– Célestine, sors un peu s'il te plaît, exigea ma mère.

– Bien Madame, répondit docilement la jeune femme.

Une fois mon amie partie, ma mère s'accroupit à mes côtés et me prit la main. Elle me fixa droit dans les yeux, d'un regard oscillant entre la peur et la curiosité.

– Raconte moi.

Je racontai. Ses yeux rivés aux miens me forçaient à tout dire, sans mensonges. Je racontai ma joie ; je racontai ce sentiment indéfinissable qui s'était emparé de moi alors que je courais, libre ; je racontai la forêt ; je racontai la peur qui m'avait saisie quand je l'ai vu, lui, avec ses yeux jaunes terrifiants ; je racontai ma course effrénée dans les bois ; je racontai ma chute ; je racontai ses yeux à quelques centimètres des miens ; je racontai mon évanouissement.

Quand je fus vidée, je m'arrêtai. J'avais la sensation de ne plus jamais pouvoir parler.

Ma mère se leva et me prit dans ses bras. Un geste qu'elle n'avait pas fait depuis de nombreuses années. Je lui rendis son étreinte, je pleurai doucement dans le creux de son cou. Elle me caressa les cheveux. Il me sembla qu'elle aussi pleurait.

– Maman, chuchotai-je. Je vais bien, d'accord. ?

– Je ne comprends pas, dit-elle en séchant ses larmes. Pourquoi aurait-il fait ça ?

– Est-on seulement sûr que c'est lui qui m'a ramenée ?

– Qui d'autre ?

– Je l'ignore... Mais nous ne savons même pas si c'est lui que j'ai vu.

– Élérida, les loups noirs aux yeux jaunes ne courent pas les rues, tu sais.

Je ne répondis pas.

Finalement, elle soupira et s'éloigna de quelque pas.

À cet instant, des bruits de lutte et des cris résonnèrent dans le couloir. Je jetai un regard inquiet à ma mère et fis mine d'aller voir ce qui se passait. Mais avant que j'ai pu esquisser un geste, la porte s'ouvrit sur le chef cuisinier écumant sous son tablier blanc froissé. Il tenait un de ses aides par le col et le soulevait presque du sol.

La Fille du LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant