griffure de chat

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Yuri trimballe sa réputation d'homme au cœur de glace partout où il se rend. En ce moment précis, alors que les moteurs de l'avion rugissent avec une puissance infernale et que ses vibrations se propagent à travers tout son être, il rejette catégoriquement cette idée. Revenir à la compétition, c'est s'exposer à l'analyse minutieuse de ses rivaux, à la critique tranchante des médias, et à l'amour unilatéral de ses fans. Ça ne l'indiffère en aucun cas. Au contraire, cela le plonge dans un profond malaise.

– Comment tu vas ? demande Otabek.

Yuri n'a pas besoin de croiser son regard pour ressentir son intensité, comme s'il pouvait pénétrer les couches de son armure.

– Tu peux deviner. Je suis à deux doigts de te gerber dessus.

– Peut-être que tu devrais te distraire dans ce cas.

– Mais comment ?

– Des mots croisés ?

– Je suis trop stupide pour ça.

– Je doute que tu le sois réellement.

Les vents secouent violemment l'appareil. Les sièges tremblent et l'épaule de Yuri heurte celle d'Otabek. Il mord l'intérieur de sa joue si fort que le goût du sang imprègne sa bouche.

– Essaie de te détendre, conseille Otabek. Suis le mouvement des turbulences plutôt que de le combattre, comme tu le fais sur la glace.

– Et qu'est-ce que t'y connais en patinage ?

Contre toute attente, Otabek abandonne le sujet. Dans la pénombre de la cabine, son teint pâlit et les taches de rousseur sur son nez se démarquent, et une fragrance sucrée, mêlée à l'odeur de sa veste en cuir, émane de lui. Sa simple présence possède le pouvoir de distraire Yuri.

– Toi, ne dois pas avoir peur de l'avion... Tu dois avoir peur de rien, en vrai.

– Pourquoi ce serait le cas ?

– Bah, regarde comment t'es foutu. T'es carrément baraqué. Tu dois même être capable de te battre avec l'avion s'il y a un souci.

Dans les yeux d'Otabek, quelque chose d'indéfinissable brille, une chaleur semblable à un rayon de soleil qui perce les nuages après la pluie.

Les dernières semaines ont été un tourbillon de lumières de la patinoire et d'ombres de la musculature d'Otabek, qui suit Yuri partout où il va. Pourtant, après un mois passé ensemble, Yuri ne parvient toujours pas à le comprendre.

Otabek pointe du doigt le gobelet en papier abandonné sur la tablette devant lui.

– Tu aurais dû éviter la caféine.

– Si tu le dis. Je vais prendre une autre boisson, alors. Un truc qui va m'assommer.

🌹🌹🌹

L'aéroport de Minsk, une imposante structure de béton construite après-guerre, donne à Yuri l'impression de ne jamais avoir quitté Saint-Pétersbourg. Encore somnolent, il se dirige vers la zone de récupération des bagages. Il s'est assoupi pendant une demi-heure et s'est réveillé pendant l'atterrissage, niché sous la veste d'Otabek. Évidemment, Mila n'a rien manqué de la scène.

– Comment s'est passé ton vol, Yurka ?

– C'était génial.

– Est-ce que ça aurait quelque chose à voir avec ton garde du corps canon ? J'ai vu qu'il te réconfortait !

Mila ponctue sa phrase en soufflant un baiser à Yuri.

– Va te faire foutre !

– Ça dépend, Bek est libre pour ça ?

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